Les attaques verbales envers les partisans de la NUPES se sont multipliées dans le camp de Macron, tandis qu’à côté, la macronie s’amuse à « dédiaboliser » Pétain. Tout ce qui est à gauche de leur programme est d’extrême-gauche, et les néonazis sont devenus de simples partisans d’« ultra-droite ». Retour sur la montée de l’extrême droite ces cinq dernières années et le rôle que la macronie y a joué.
LE RASSEMBLEMENT NATIONAL À L’ASSEMBLÉE
En 2022, le RN obtient 88 sièges à l’Assemblée nationale, le meilleur résultat de toute son histoire. En 2017, au premier quinquennat d’Emmanuel Macron, ils n’avaient que 7 députés – et Emmanuelle Ménard, soutenue par le RN mais n’étant pas membre du parti. L’extrême droite a donc multiplié son nombre de députés par 11, passant de 8 à 88, entre deux mandats d’Emmanuel Macron, une avancée spectaculaire.
En 2017, les partis d’opposition sont largement minoritaires. Et l’extrême droite absente. Le seul parti qui se démarque : Les Républicains (LR).
Cela change totalement en 2022, après 5 ans de Macron :
Le groupe de la majorité présidentielle (LREM puis RE) a diminué de plus d’un tiers (-36%) et devient minoritaire face à l’opposition qui s’impose enfin à l’Assemblée.
Bien que la gauche (intergroupe NUPES) ait gagné un nombre considérable de sièges, le RN a également progressé de manière hallucinante. Les 7 députés RN de 2017 n’avaient même pas de groupe politique à l’Assemblée.
LA STRATÉGIE MACRONISTE
En 2017, Macron a su porter la voix du centre et de la droite. En face, il ne reste plus que l’extrême droite pour qui les sympathisants de gauche ne voteront pas. C’est le jackpot pour Macron.
Si, en centriste, il avait acquis l’image d’une union entre gauche et droite autour d’un projet commun, la mascarade se révéla vite fin 2018 avec le mouvement des Gilets Jaunes : sa côte de popularité n’aura jamais été aussi faible.
Depuis le second mandat d’Emmanuel Macron commencé en mai 2022, les attaques sur les réseaux sociaux n’ont cessé de se multiplier contre la NUPES, mais que rarement contre l’extrême droite, qui a pourtant acquis un pouvoir important à l’Assemblée Nationale et que Macron promettait de combattre quelques années auparavant.
Si les critiques n’émanent pas du camp de Macron contre le RN, c’est parce que c’est régulièrement une alliée stratégique malgré elle. Elle assure à Macron les voix des électeurs de gauche au second tour lorsque la candidat favori à gauche est éliminé. Ce scénario de la gauche absente au deuxième tour s’est répété deux fois : en 2017 et en 2022, menant Macron à la victoire. Quand la gauche n’a pas réussi à rassembler suffisamment d’électeurs autour d’un candidat commun, les forces libérales et populistes d’extrême droite tracent directement leur voie vers le second tour.
Selon un sondage Elabe, 38% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au 1er tour auraient voté pour Emmanuel Macron au second (par ailleurs, 44% auraient voté blanc, n’offrant que 18% de leurs voix à Marine Le Pen). Tuer la gauche, c’est faire monter l’extrême droite. Faire monter l’extrême droite, c’est emmener Macron à l’Elysée. Mais à quel prix ?
Si les députés Renaissance s’efforcent à rester complaisants envers le RN, c’est aussi parce que c’est un allié stratégique. Regulièrement, le RN permet au parti du président de faire voter ses projets de loi ou de s’opposer à ceux de la NUPES. On a vu le RN et Renaissance unir leurs voix pour faire voter la loi anti-squat – dont nous avions parlé ici – ou pour bloquer l’augmentation du SMIC.
Lorsqu’une critique touche le RN, c’est en fait une critique contre toute l’opposition, de gauche comme d’extrême droite. Au passage, les macronistes désignent toute la gauche à l’Assemblée comme « d’extrême-gauche ». Une critique pour ne pas assumer qu’ils exercent un pouvoir impopulaire, contre l’avis majoritaire du pays. Les mobilisations contre la réforme des retraites nous l’ont prouvé encore cette année.
LA GAUCHE, RESPONSABLE DE LA MONTÉE DE L’EXTRÊME DROITE ?
Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance à l’AN ose parfois même accuser la NUPES de « servir sur un plateau le RN ». La macronie se voile la face, croyant que la gauche est responsable de la montée de l’extrême droite. Difficile d’accuser la gauche alors qu’elle n’était pas au pouvoir au précédent quinquennat et que seule la macronie a eu l’occasion de combattre l’extrême droite, ce qu’elle n’a de toute évidence pas fait.
La réalité, c’est que pendant 5 ans, alors que les pouvoirs exécutif et législatif étaient détenus par LREM, l’extrême droite a obtenu des sièges à son nom à l’Assemblée.
La réalité, c’est que l’extrême droite permet à Macron de gagner à coup sûr lors des présidentielles lui offrant une partie des voix des électeurs de gauche, déséspérés, qui refusent encore de voter pour elle.
La réalité c’est qu’elle sert regulièrement les interêts de la macronie dans ses votes et à travers sa place dans le pays : pas assez populaire pour gagner mais image de seule alternative pour de nombreux Français, tant que la gauche n’arrive pas à recréer un Front populaire.
Si on entend souvent les députés Renaissance accuser la NUPES d’être d’extrême-gauche, les macronistes tentent également de normaliser l’extrême droite. Utiliser le terme d’extrême gauche pour désigner la NUPES, c’est aussi reprendre le vocabulaire de l’extrême droite qu’on entend regulièrement. Le danger d’accuser l’opposition d’être extrême, c’est d’oublier le danger des vrais extrémistes à droite de l’hémicycle.
A la fin du mois dernier, la Première Ministre Elisabeth Borne a qualifié le RN comme « héritier de Pétain ». En réponse, Emmanuel Macron expliquait que « on ne peut plus battre, dans nos démocraties, l’extrême droite simplement avec des arguments historiques et moraux ».
Ah oui, quel dommage ce serait de rappeler d’où vient le RN, et de constater que derrière tout son vernis, il reste le même.
LES RACINES FASCISTES DU RASSEMBLEMENT NATIONAL
Le FN (ancien nom du RN) est créé le 5 octobre 1972 à la veille des élections législatives de 1973, entraîné par le mouvement néofasciste Ordre nouveau afin de réunir la droite nationale autour d’un seul et même front : le Front national pour l’unité française. Ces élections sont un énorme échec pour le FN car il n’obtient aucun siège à l’Assemblée nationale.
Ce rassemblement est notamment constitué de pétainistes et néo-nazis. Son premier président n’est autre que Jean-Marie Le Pen, un poujadiste ayant torturé des algériens durant la guerre d’Algérie dans laquelle il était officier.
On compte parmi les fondateurs de ce mouvement : des négationnistes, des anciens SS (Waffen-SS et division SS Charlemagne), des miliciens et collabos.
Le logotype même du parti est (très fortement) inspiré du Movimento Sociale Italiano (Mouvement social italien, en français), parti italien néofasciste de 1946 à 1995.
Si le RN n’est pas l’héritier direct du régime de Vichy, le parti politique est né des restes de ce même régime, du collaborationnisme, du fascisme et du nazisme. Au fond, quelle différence ? Aucune.
Europe, jeunesse, révolution… ?
Quand Emmanuel Macron dit « que cette extrême droite s’est transformée », il oublie de préciser que cette extrême droite n’a en réalité pas évolué dans le fond. Elle promet de rendre la police toujours plus armée, de fermer les frontières et de restreindre les demandes de droit d’asile aux pays d’origine ou aux pays limitrophes, ce qui interdirait aux migrants déjà arrivés en France d’en bénéficier. Pour rappel, c’est un droit défendu par la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
Même si Marine Le Pen a travaillé à « dédiaboliser » son parti, les symboles comme les idées de fond sont les mêmes. Elle fait toujours perdurer l’héritage idéologique de son père. Et changer le nom du parti n’a jamais fait changer ses idées : on l’a revu avec La République en Marche devenue Renaissance.
Quand on voit une augmentation des attaques d’extrême droite comme à Saint-Brevin ou plus récemment à Montjoi, des manifestations où l’on crie « Europe, jeunesse, révolution » arborant la croix celtique (ou le drapeau du GUD néofasciste), la priorité devrait être celle du combat contre l’extrême droite.
Non, la macronie préfère réprimer les « casserolades » et autoriser les manifestations néonazies.
La suite de décisions et réformes largement impopulaires, contestées par les français, mène le pays à un chaos politique dans lequel la population est divisée et confuse, offrant une place importante à l’extrême droite dans la vie politique.
Finalement, faire monter l’extrême droite en flèche, c’est la stratégie de la macronie. Lorsqu’il n’existe plus aucun candidat pour rassembler la gauche, il ne reste plus que les libéraux et l’extrême droite. Et les français refusent l’extrême droite, pour l’instant. Macron a choisi ses ennemis : la gauche plutôt que l’extrême droite.
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