Ce mardi, le député sortant Sébastien Rome et l’économiste Michael Zemmour ont animé un meeting à Aniane, dans l’Hérault. Comme dans beaucoup de petites communes en France, le Rassemblement national connaît une très forte progression. Tandis qu’une majorité absolue du Nouveau Front Populaire semble impossible, le combat continue néanmoins dans les villages pour empêcher le Rassemblement national de l’obtenir.
UN MEETING CONTRE LA PROGRESSION DU RN
Le rendez-vous était donné pour 19h et une foule attend déjà le député sortant Sébastien Rome et l’économiste Michael Zemmour pour un « meeting et banquet populaire » sur la place du bourg d’Aniane. C’est la buvette associative Quartier Généreux qui sert la boisson, et le groupe de reggae occitan MC’s du Midi qui anime ce début de soirée.
Cette commune de près de 3000 habitants se situe dans la quatrième circonscription de l’Hérault, un département où le Rassemblement national (RN) connaît une ascension fulgurante, comme dans beaucoup de zones rurales. En 2022, Sébastien Rome (LFI-NUPES) était arrivé en tête du premier tour avec 28 % des suffrages exprimés contre 23 % pour la candidate du RN, Manon Bouquin. Au second tour, il l’avait battu de justesse à moins de 700 voix d’écart. Cette année, les choses ont changé. La candidate RN vient d’obtenir un peu plus de 41% des suffrages contre 33% pour son adversaire Sébastien Rome, qui se présente cette fois-ci sous la bannière du Nouveau Front Populaire. À Aniane, comme dans tant d’autres circonscriptions, on fait face à une triangulaire. Le candidat du camp présidentiel avait laissé croire au départ ne pas vouloir se désister, il a finalement annoncé sur Twitter la veille se retirer. Pas de consigne de vote de sa part, mais le député sortant l’a remercié et les affiches pour le second tour appellent désormais à un vote « au nom de la République » pour battre la candidate RN. La victoire qui semblait impossible avant ce retrait, semble désormais réalisable… mais incertaine. Seule une forte mobilisation des électeurs macronistes en faveur du candidat Nouveau Front Populaire lui permettrait la victoire.
DES REVENDICATIONS CLAIRES DE LA PART DES ACTEURS LOCAUX
Les différents sujets s’enchaînent, les représentants de différents partis et syndicats prennent la parole tour à tour. Introduit par Christelle Brot-Weissenbach, vigneronne et suppléante du député sortant, un représentant de la Confédération paysanne rappelle la douleur que vivent chaque jour les agriculteurs du pays : les suicides trop courants, le manque de considération et de rémunération. Lorsqu’il s’insurge contre le CETA – un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada – la foule l’applaudit vivement. Une prise de parole qui fait écho aux mobilisations récentes des agriculteurs.
Les représentants des syndicats Solidaires et CGT expriment tous deux leurs espoirs dans ce Nouveau Front Populaire, tout en exprimant leurs craintes d’un pouvoir exercé par le Rassemblement national, craignant qu’il ne conduise à toujours plus de dégradation de leur condition de vie et de travail, et qu’il réprime les mouvements de contestation. Des tracts sur la table des syndicats comparent les discours du RN sur le travail et leurs votes (contre le SMIC à 1600€, contre la revalorisation des personnels soignants etc).
Le Parti communiste, les Écologistes et le Planning Familial ont aussi le droit à un temps de parole. La représentante du Planning familial local alerte sur les fermetures des ces services de santé ouverts à tous dans les communes où le RN est au pouvoir, tout en portant un discours féministe. Quand la militante des Écologistes demande à l’audience combien ont un grand-parent de nationalité étrangère, une part non négligeable de mains se lèvent. Le fait est qu’un quart du public aurait un aïeul étranger. La région, située non loin de l’Espagne, a bien évidemment connu des vagues d’immigration. Une histoire migratoire revendiquée avec fierté ici, malgré un discours anti-immigrationniste qui gagne les urnes.
LA PROGRESSION DES DISCOURS RACISTES DANS LA POPULATION
Une contradiction que n’hésite pas à pointer du doigt le député sortant, dénonçant la montée des idées racistes dans le territoire. Il raconte une anecdote. La veille, il s’est rendu dans une commune non loin de là, pour regarder le match France-Belgique. Après un rapide temps d’échange avec un habitant, ce dernier lui raconte joyeusement une histoire de simple « racket » d’écharpe de supporter de football. Quand Sébastien Rome lui demande pourquoi est-ce qu’il s’est permis de faire ça, l’habitant lui répond que « les melons le font trente fois plus ». Il ne parlait ici pas de fruit. Le député insiste dans son discours : « en 30 secondes, il a sorti un propos raciste »
« en trente secondes, il a sorti un propos raciste »
Le vote pour l’extrême droite est majoritaire dans la plupart des communes de la circonscription et du département, mais c’est un phénomène qui s’amplifie dans le pays tout entier. Délaissés par les partis traditionnels qui ont trahi et déçu un à un la population, une grosse partie des ruraux croient désormais aux discours démagogiques de l’extrême droite. Sébastien Rome a terminé par appeler à créer du lien entre les gens. Un lien qui s’est perdu et qui favorise les discours individualistes et racistes. C’est cette perte de « lien » qui mobilise les électeurs à voter RN dans les petites communes : les commerces ferment, les cafés se vident… Le département est aussi beaucoup touché par le manque de moyens, de transports, de services publics, – comme l’a rappelé le député sortant – provoqués par des décennies de néolibéralisme écrasant la volonté générale.
LE RASSEMBLEMENT NATIONAL, SAUVEUR CONTRE LE LIBÉRALISME ?
Par un jeu de question-réponse, l’économiste Michael Zemmour, de passage dans la région et invité à l’occasion, rappelle le soutien de dizaines d’économistes au programme du Nouveau Front Populaire. Il précise que l’on doit d’abord proposer des idées, et ensuite trouver des solutions pour les financer, plutôt que d’appliquer la logique macroniste qui, à chaque fois qu’elle lance une baisse d’impôt pour les grosses entreprises, annonce aussitôt une suppression de droit social pour compenser. Il a mis en avant la faisabilité de l’annulation de la réforme des retraites de Macron de manière très simple, et ce dès les premiers jours d’un gouvernement NFP. Il souligne aussi, que malgré les changements constants du « programme » du Rassemblement national, les économistes qui s’y sont penchés observent qu’il risquerait d’aggraver les inégalités en enrichissant les 10% les plus riches et en appauvrissant les plus précaires. L’alternative au libéralisme exacerbé, à l’origine de la casse de l’Etat social, ne réside donc pas dans les propositions de l’extrême droite.
Fin de meeting dans le calme… avec un message d’une militante écologiste qui appelle ses camarades à faire attention et à ne pas rentrer seuls car des militants d’extrême droite les attendent. Déjà avant 19h, ils seraient venus débrancher le matériel. Même dans les petites communes, l’extrême droite fait une percée dangereuse. Ici même, des anciens membres du mouvement dissou Génération Identitaire sont présents dans la vie locale.
La bataille contre le RN ne se relâche pas avant le second tour, et ce meeting aura certainement donné de nouveaux espoirs aux militants et sympathisants. Le Nouveau Front Populaire peut se réjouir d’une mobilisation historique des citoyens, mais il faut encore convaincre les électeurs macronistes – eux qui peuvent ou non donner une majorité absolue au Rassemblement national aux seconds tours de ces élections législatives. Le mot d’ordre du jour : la lutte ne s’arrêtera pas dimanche, peu importe les résultats.
Antonin Hérault
Poster un commentaire