COP 29 à Bakou : l’Azerbaïdjan, entre écologie de façade et ambitions géopolitiques

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Du 11 au 24 novembre 2024, Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, accueillait la 29e Conférence des Parties (COP 29) sur les changements climatiques. Cette rencontre internationale, orchestrée sous l’égide de l’ONU, visait à renforcer les engagements mondiaux pour contenir le dérèglement climatique. Mais loin de l’urgence écologique, cet événement a surtout mis en lumière les contradictions d’un régime autoritaire et les dérives d’un système international où l’écologie devient un outil de propagande et de domination géopolitique.


Pays exportateur de pétrole et de gaz, l’Azerbaïdjan incarne tout ce que la transition écologique cherche à dépasser. Pourtant, en accueillant la COP29, Ilham Aliev, président depuis 2003, a voulu montrer un visage moderne et engagé de son régime. Bakou s’est parée des atours d’une capitale verte, multipliant les discours sur la finance durable et la résilience climatique.

Mais cette vitrine a rapidement laissé entrevoir ses fissures. Les réalités locales rappellent un tableau bien différent : journalistes surveillés, opposants emprisonnés, militants écologistes muselés. Pour de nombreuses ONG, cette COP n’était qu’une opération de « greenwashing diplomatique », un moyen pour le régime de redorer son image sans remettre en question son modèle économique fondé sur les hydrocarbures.

L’invitation des talibans comme observateurs a illustré ces contradictions. Si cette présence a choqué, elle reflète aussi les alliances ambiguës de Bakou, notamment l’usage de mercenaires djihadistes pendant la guerre des 44 jours contre l’Arménie en 2020.

Le Haut-Karabagh : l’écologie instrumentalisée

L’utilisation de l’écologie comme outil politique n’est pas nouvelle en Azerbaïdjan. Entre décembre 2022 et septembre 2023, le régime a orchestré un blocus sur le Corridor de Latchine, seule route reliant le Haut-Karabagh (Artsakh) à l’Arménie. L’utilisation de militants du pouvoir, drapés en activistes écologistes, fut utilisée comme prétexte par la dictature pétrolière pour isoler cette région, provoquant une grave crise humanitaire.

Carte du Caucase. Ici, la République désormais occupée de l'Artsakh, et l'emplacement de la capitale Bakou, ville hôte de la COP 29.

Carte du Caucase. Ici, la République désormais occupée de l’Artsakh, et l’emplacement de la capitale Bakou, ville hôte de la COP 29. Crédit

Privés de nourriture, de médicaments et de biens essentiels, les 120 000 habitants du Karabagh ont été contraints à fuir. Ce blocus, dénoncé par des experts comme un « génocide par attrition », s’est accompagné de violences : exécutions sommaires, tortures, violences sexuelles et destructions culturelles.

La politique d’effacement culturel menée par Bakou est particulièrement visible à Stepanakert, rebaptisée Khankendi. L’avenue principale de la ville porte désormais le nom d’Enver Pacha, figure centrale du génocide arménien de 1915. Cette réécriture historique s’inscrit dans une stratégie de domination et de négation du passé historique arménien de la région.

Une influence qui dépasse les frontières

Mais les ambitions azéries ne se limitent pas au Karabagh. Lors des émeutes de 2024 en Nouvelle-Calédonie, des manifestants kanaks ont brandi des drapeaux azéris et des portraits d’Ilham Aliev. Ce geste, loin d’être anodin, reflète une stratégie d’ingérence soigneusement orchestrée.

Depuis 2023, l’Azerbaïdjan multiplie les initiatives pour soutenir les mouvements indépendantistes dans les territoires ultramarins français. La création du « Groupe d’Initiative de Bakou » et du « Front international de libération des colonies françaises » vise à affaiblir la position de Paris sur la scène internationale.

Bakou tente la carte de l'ingérence étrangère au-delà de la chaîne caucasienne.

Bakou tente la carte de l’ingérence étrangère au-delà de la chaîne caucasienne. Crédit

Ces manœuvres s’inscrivent dans une logique punitive : en ciblant des territoires stratégiques comme la Nouvelle-Calédonie, riche en nickel et cruciale pour la Zone économique exclusive (ZEE) française, Bakou espère exploiter les tensions locales pour punir la France pour son soutien, même limité, à l’Arménie.

La Nouvelle-Calédonie : entre abandon et opportunisme

En Nouvelle-Calédonie, les ingérences étrangères trouvent un terrain fertile. Le territoire souffre depuis des années d’inégalités criantes : infrastructures publiques insuffisantes, coût de la vie exorbitant, services de base défaillants.

Ces problèmes, fruits d’une gestion centralisée et souvent court-termiste, alimentent le mécontentement. L’Azerbaïdjan exploite ces frustrations pour asseoir ses ambitions, mais les difficultés locales reflètent avant tout une politique française en décalage avec les réalités du terrain.

Le risque est évident : voir des territoires stratégiques comme la Nouvelle-Calédonie tomber sous influence étrangère, notamment celle de la Chine ou de la Russie, attirées par leurs ressources naturelles et leur position géographique.

Une leçon pour la France

La COP 29, bien que présentée comme un événement écologique, met en lumière des enjeux plus larges. Pour la France, défendre sa souveraineté ne peut se limiter à contrer les ingérences étrangères. Cela implique aussi de réconcilier les territoires ultramarins avec un projet républicain égalitaire, qui respecte leurs spécificités et répond à leurs besoins.

Une gestion souverainiste et solidaire passe par des investissements massifs dans les infrastructures, une meilleure prise en compte des attentes locales et une transition écologique adaptée. Ces politiques doivent permettre de restaurer la confiance entre l’État central et ses territoires éloignés.


La COP 29 aurait dû être un rendez-vous clé pour avancer sur les défis climatiques. Elle a plutôt révélé les contradictions d’un système international où l’écologie est souvent utilisée comme un levier de domination. L’Azerbaïdjan, État négationniste, incarne ces dérives, en manipulant les discours environnementaux pour masquer ses ambitions politiques. Mais les démocraties occidentales, elles aussi, ne peuvent continuer à prôner des valeurs universelles tout en perpétuant des systèmes inégalitaires et extractivistes. Pour relever les défis du présent, il faut dépasser ces contradictions. La justice sociale, la souveraineté et l’écologie sont indissociables : elles exigent des engagements sincères et une remise en cause des logiques impérialistes qui perpétuent l’injustice.

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