Gilets Jaunes, cinq ans après

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Vendredi 17 novembre, c’était « l’anniversaire » des 5 ans des Gilets Jaunes, mouvement populaire qui a marqué la France et son paysage politique jusqu’aux élections européennes de 2019. Le mouvement s’est formé par le biais d’une dynamique spontanée et détachée du tissu politico-associatif traditionnel. A Bourges, certains se sont réunis. Retour sur un évènement citoyen sans étiquettes.


De 2018 à 2023, l’essentiel est toujours là

Ce vendredi 17, il y a peu de monde devant l’hôtel de ville de Bourges. Seul un groupe composé d’une vingtaine de personnes était rassemblé proche de l’entrée du centre des impôts. Tout un symbole, car ces impôts ont été pour beaucoup l’une des raisons qui les ont poussés à sortir dans la rue manifester leur mécontentement.

La majeure partie des Gilets Jaunes présents ce 17 novembre l’était déjà il y a 5 ans. On y retrouve un ex-lycéen, une restauratrice, un chauffeur, des ouvriers et employés… Certains ont amené avec eux une petite structure en papier et en carton, en forme de gâteau de couleur jaune, sur laquelle on trouve une photo d’un gilet jaune muni d’une guitare. C’était Julien, ou Joules comme on l’appelait, qui fut une icône lyrique et amicale du mouvement. Il était connu pour chanter de manière comique et improvisée des chansons pendant les rassemblements, à Paris ou ailleurs. Certains l’ont connu ici par sa présence lors de l’appel national pour Bourges le 12 janvier 2019, où Joules était vêtu d’un costume de lapin rose. Un personnage qui peut faire sourire, mais qui permet de rendre de la joie dans un monde frappé par les difficultés de la vie quotidienne.


Les revendications généralement partagées par les Gilets Jaunes concernent l’opposition à la hausse du prix du carburant, au coût de la vie, aux taxes et impôts trop pesants, aux services publics qui perdent en qualité, puis progressivement la demande de mesures démocratiques, concrètes et horizontales, comme le référendum d’initiative citoyenne (RIC), mais aussi la taxation des grandes fortunes ou le soutien au service hospitalier.
Benjamin, le plus jeune du groupe, est toujours remonté, même après 5 années : « Je suis là pour dire qu’on est toujours contre Macron, ses conneries, son arrogance. Je revendique le salaire, les retraites pour tous. Macron dit qu’il n’y a plus d’argent pour les retraites, alors qu’il y en a pour l’armée et l’Union Européenne. »

Face à la présence très réduite de citoyens, les Gilets Jaunes réfléchissent aux raisons du succès mitigé de la mobilisation : « Certains rentrent du boulot, ils n’ont pas le temps », « les gens sont résignés et n’ont plus espoir… ». « C’est pire qu’avant, mais avec la répression, les gens ont pris peur, avec les charges, les mutilés, les éborgnés… ».

Un homme encapuchonné, aux prises avec le froid, affirme : « Nous sommes quand même présents malgré le dénigrement du système. Une minorité ne peut pas changer tout ça. Mais le plus important, c’est la solidarité des gens ».

Violences de rue, mais violence d’État

La solidarité. C’est en effet ce qui manque aux yeux de nombreux citoyens sortis sur les ronds-points ou dans la rue, dans un monde où le capitalisme productiviste et les théories du management ont pris le pas sur la raison et les valeurs d’entraide ou de civisme.

C’est un esprit de contestation générale du système politique qui s’est inscrit là, avec son cortège d’excès et de violences. C’est ce que l’on a vu par exemple avec la circulation de théories conspirationnistes déformant la réalité de la lutte entre les élites et le peuple, ou avec l’infiltration de groupes extrêmes de tous bords. Les violences qu’ont pu commettre des Gilets Jaunes, qu’elles soient inscrites dans un combat contre l’État et le capitalisme ou sans objet politique clair, a pu servir d’alibi, de prétexte au pouvoir pour réprimer avec sévérité les manifestants, et là aussi, utiliser la logique de la violence policière, main armée de la violence sociale, celle perpétrée par l’État, pour détricoter les acquis sociaux, les emplois, les symboles, une France soudée par le CNR et la victoire contre un ennemi commun. Le politiquement incorrect, voire les propos abjects et les dégâts matériels, sont surtout une conséquence de la gestion anti-sociale du pays, en pleine archipélisation (voir Fourquet).

Cette archipélisation, ces fractures, ne sont pas une fatalité, et c’est avec le travail de terrain du mouvement social et de certains militants Gilets Jaunes que les plaies pourront être résorbées. Une partie de cette dynamique a déjà pris racine, par la défense du référendum d’initiative citoyenne, des conférences gesticulées proposées par exemple par Franck Lepage, des collectifs locaux… Malgré les mesurettes gouvernementales, l’éveil populaire continue de progresser, car la réalité matérielle est ce qu’elle est : une paupérisation des travailleurs, une précarisation des emplois, de la sécurité, de la santé, des libertés..

Le mouvement des Gilets Jaunes, bien qu’ayant pu souffrir de querelles internes pour des raisons idéologiques, a su marquer la France et rassembler des citoyens de tous bords dont la majeure partie ne se reconnaissait pas dans cette France des gagnants de la mondialisation, prospère, et en faveur du système en place. Sa mobilisation était un nouveau sursaut français, surtout pour les travailleurs précaires, les chômeurs, les ouvriers.


La mue du paysage politique français continue, et, avec elle, le renouveau de l’esprit révolutionnaire français, qui a su se maintenir même avec une société de consommation individualiste et en perte de repères.

Elie Guetchrian

 

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2 réponses à “Gilets Jaunes, cinq ans après”

  1. Meliane says:

    @Jerome O. Si les GJ pouvaient se rassembler derrière des personnalités intéressantes comme Georges Kuzmanovic ou François Ruffin, cela pourrait éventuellement changer la donne. Problème : Kuzmanovic est politiquement crédible mais n’est pas suffisamment charismatique, et Ruffin est très charismatique mais ne peut effectivement pas être crédible tant qu’il reste dans la NUPES _ pour les raisons que vous avez nommées. Situation pour le moment insoluble.

  2. Jérôme O says:

    Ce qui a beaucoup nui au mouvement GJ : sa récupération ou tentative de récupération par les néo fascistes racistes, antisemites et pro Hamas de la FI et la NUPES. Ainsi évidemment que la propagande de l’Etat français d’ailleurs relayée par les médias de la plupart des pays « occidentaux » : la presse majoritaire du « Monde Libre » semble dirigée par des ordinateurs recopiant les mêmes formules, a la virgule près de Washington et New York a Paris et Bruxelles en passant par Londres.

    C’est justement le problème avec un mouvement aussi hétérogène que les GJ : le meilleur y côtoie le pire et il est donc très perméable a l’entrisme de groupes radicalisés. Est-ce que vous imaginez l’effet que ferait un deuxième mouvement GJ défilant avec des députées faisant l’apologie de viols de masse et crimes contre l’humanité ?

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