« Le combat pour la démondialisation reste plus que jamais d’actualité » – Entretien avec Jacques Sapir

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Jacques Sapir est un économiste spécialiste des questions monétaires et de l’économie russe. Membre de l’Académie des sciences de Russie, il a su percevoir les germes de la fragilité de l’Euro et l’initiation phénomène de démondialisation. Aujourd’hui ardent défenseur d’un retour du souverainisme, il a accepté de s’entretenir avec nous. 


Gavroche : Vous avez écrit sur la démondialisation : comment s’exprime-t-elle aujourd’hui ? Quelles pourraient être les tendances à venir ?

J. Sapir : Lorsque j’écrivis La Démondialisation en 2010[1], il y a donc dix ans de cela, les signes d’une crise du processus de mondialisation étaient fragiles mais déjà perceptibles. Les effets nocifs que cette mondialisation produisait, que ce soit dans le domaine social, économique ou écologique, étaient de plus en plus évidents. Ils alimentaient d’ailleurs une critique radicale. Car, la mondialisation ne fut jamais « heureuse »[2]. Cette critique a été l’amorce d’une remise en cause du processus de mondialisation, ce qui donna le titre de mon livre. Il s’agissait pourtant de mesurer à l’époque les signes d’un reflux de la mondialisation, de faire un bilan des tentatives d’étendre le libre-échange, d’évaluer les dégâts provoqués par cette idéologie. Nous n’en sommes plus là aujourd’hui. La démondialisation a donc commencé dans les faits. Elle porte en elle, aussi, une « désoccidentalisation » du monde[3].

De nouvelles réalités sont apparues en pleine lumière. Nous percevons mieux aujourd’hui ce qui était en fait évident depuis le début : la mondialisation est en fait contradictoire à l’existence même de la démocratie. Ce qui a mis la mondialisation en crise, ce sont des phénomènes essentiellement politiques ; ce sont aussi les revendications de nombreux peuples à plus de démocratie, à plus de souveraineté. Ces revendications s’expriment tant dans les urnes que dans la rue : n’avons nous pas été les témoins du mouvement des « Gilets Jaunes » ? Mais, la question de la démocratie n’était pas, et n’est toujours pas, le seul problème soulevé par la mondialisation. Dans le texte de 2010 avaient été traités des problèmes de développement économique, des problèmes environnementaux et des problèmes sociaux. Il nous faut aujourd’hui y ajouter les problèmes sanitaires avec la diffusion de ces épidémies que rend possible le transport de masses[4]. Ces problèmes, qui vont des centres urbains dévastés par la désindustrialisation en Europe aux plages du Bengale irrémédiablement polluées par le démantèlement des navires, de ces plages aux mines d’Afrique centrale où s’épuise une population soumise à un quasi-esclavage pour extraire les « terres rares » nécessaires aux ordinateurs et téléphones portables, de ces mines aux forêts d’Amérique du Sud dévorées par d’immenses incendies provoqués par les tenants d’une agriculture de plus en plus intensive et cependant toujours en quête de nouvelles terres, sont tous les fruits amers de la mondialisation.

Pour mesurer ce qui sépare le contexte actuel de celui de 2010, il convient de revenir sur des événements marquants qui ont montré le recul de la mondialisation ou de la globalisation. Ces événements englobent ainsi de la paralysie qui a gagné l’OMC et le « Cycle de Doha » au début des années 2010, et dont déjà on pouvait rendre compte dans l’édition originelle de l’ouvrage. D’autres se sont produits sur un laps de temps plus court. On peut considérer que la période qui va de 2016 à 2018 a été à cet égard particulièrement fertile en ces événements. Nous avons eu, bien entendu, le Brexit, qui reste un ébranlement majeur dans la zone de l’union européenne. Donald Trump a, quant à lui, signifié la fin des accords de libre-échange discutés depuis plusieurs années, comme le TAFTA[5], et a renégocié le traité avec le Canada et le Mexique (ALENA)[6]. Le processus de démondialisation économique s’est donc accéléré ces dernières années.  Il a commencé à se manifester ouvertement avec la crise de 2007-2009 et ses conséquences. En fait, c’est de cette crise que l’on peut dater un point de rupture dans les diverses données statistiques. Cela ne signifie pas que les tendances à cette démondialisation n’existaient pas avant. Cependant, il a fallu cette crise financière mondiale, qui a été une crise de la mondialisation tant dans ses causes que dans son déroulement, pour que ces tendances se manifestent ouvertement.

On peut ainsi constater la stabilisation puis la baisse de la part des échanges mesurés en pourcentage du PIB mondial. Si le commerce a augmenté fortement en 2018, il restera en 2019 sous le niveau de 2014. Il faut donc remarquer que la forte croissance que l’on avait connue de 2002 à 2008 a été durablement interrompue par la crise de financière de 2007-2008. Ce mouvement est lié au flux des exportations mondiales (et à l’échelle du monde, toute exportation et aussi une importation, ce qui fait que le montant global des exportations est aussi le volume du commerce mondial). Il ne pouvait être encore perçu dans les années 2010-2011 parce que l’on se trouvait à l’époque dans une phase de récupération après la crise. Le montant des exportations est ainsi passé de 6,1 trillions de dollars américains à 16,1 trillions de 2001 à 2008 soit une augmentation de 2,6 fois. Mais de 2008 à 2017, ce montant est passé de 16,1 à 17,7 trillions, soit une augmentation de seulement 10%, inférieure de fait à celle du PIB mondial.

Le ressort semble donc bien cassé. Le point intéressant ici est bien la baisse du pourcentage de ces exportations mondiales rapportées au Produit Intérieur Brut mondial. On était ainsi passé de 18,9% à plus de 25% de 2002 à 2008. On est retombé autour de 22% en 2017.

 

Gavroche : Quels ont été selon vous les effets de la mondialisation pour la France ? Les classes moyennes et populaires en ont elles profité ? Si non, comment serait-ce possible ?

J. Sapir : Le fait nouveau, et en un sens le fait majeur, auquel nous sommes aujourd’hui confrontés est bien la crise de la démocratie, la crise des systèmes politiques engendrés par la mondialisation. En un sens, le mouvement des Gilets Jaunes qui a ébranlé jusqu’au plus profond la société française à partir du mois de novembre 2018 en est aussi le produit. Les cartes de ce mouvement coïncident avec celles que l’on peut dresser du processus de désindustrialisation et d’appauvrissement de la population, processus qui est directement engendré par la mondialisation. La mondialisation appauvrit les classes moyennes des pays riches pour créer des « super-riches » dans les pays pauvres.

La mondialisation appauvrit les classes moyennes des pays riches pour créer des « super-riches » dans les pays pauvres.

Mais, ce qui frappe aujourd’hui c’est que les pathologies politiques engendrées par les effets de corrosion que la mondialisation exerce sur la démocratie ont atteint un point de rupture. Nous le constatons bien sûr en France et dans les pays voisins. Mais, nous le constatons aussi dans le pays qui se présentait comme le cœur même du processus de mondialisation, les États-Unis[7]. Depuis l’élection de Donald Trump, les États-Unis ont tourné le dos aux accords multilatéraux dont ils s’étaient pourtant faits les champions durant des décennies. Ils ont engagé une négociation bilatérale globale avec la Chine, reconnaissant de fait que les États, les autres États qu’eux-mêmes, comptaient bien. Plus indirectement, à travers la politique des sanctions économiques dont ils usent et abusent, et cela est en réalité bien antérieur à l’élection de Donald Trump, ils accélèrent la fragmentation de l’espace économique mondial. La démondialisation est alors passée du stade de possibilité, de virtualité, à celui de fait ; puis elle est rapidement passée de celui de fait à celui de fait majeur. C’est l’une des leçons que nous devons tirer des évolution, souvent chaotiques, parfois contradictoires, qui ce sont manifestées depuis 2010.

Différents événements, allant du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, ce qu’on appelle communément le BREXIT, à l’élection de Donald Trump aux États-Unis, en passant par les réactions devant les tentatives de ces mêmes États-Unis de construire leur droit en législation extraterritoriale et la montée d’un euroscepticisme aujourd’hui très prégnant dans les pays de l’Union européenne, sont venus confirmer l’analyse. Ce que j’avais appelé dans un ouvrage de 2016 le « moment souverainiste »[8], un moment qui affecte de nombreux pays et pas seulement en Europe, est donc loin d’être terminé. Ce moment affecte d’ailleurs les choix de l’ensemble des partis, qu’ils soient de droite ou de gauche. La défaite historique subie par le parti travailliste au Royaume-Uni lors des élections générales de décembre 2019, semble largement due à la sous-estimation par Jeremy Corbyn, le dirigeant du « Labour », de l’ampleur de ce sentiment sur lequel, par contre, Boris Johnson, son adversaire conservateur, a amplement misé[9]. Car, ce « moment souverainiste » que nous vivons est aussi la revendication de la démocratie et de la protection par les plus exposés, les travailleurs. Il faut le dire et le redire. L’aspiration à la souveraineté est quelque chose qui est fondamentalement « de gauche ». Mais il faut aussi le constater, la « gauche » traditionnelle a largement abandonné cette souveraineté. Ce « moment souverainiste » s’accompagne désormais d’un « moment identitaire ». Ce dernier ne fait que traduire une réaction de groupes sociaux entiers contre la dépossession de leur pouvoir politique du fait même de la mondialisation. En ce sens, ce « moment identitaire » n’est que l’autre face du « mouvement souverainiste ». Il n’y a d’ailleurs rien de scandaleux à parler d’une identité de la France. Le grand historien Fernand Braudel l’a bien montré[10]. Un autre historien, Marc Ferro, a d’ailleurs récemment exploré les contours de cette identité française[11]. Mais, ce « moment identitaire » va au-delà du simple constat de l’existence d’une identité française. Il prospère aussi sur le malaise grandissant qu’éprouvent les individus dont la culture est contestée par d’autres cultures, le plus souvent importées[12]. Il peut aussi se charger de relents racistes et réactionnaires. Le fait que, dans divers pays, on n’arrive plus à synthétiser ces différentes cultures pour faire émerger une culture nationale homogène, que le processus d’intégration à la culture nationale ne fonctionne plus, est dû à la fois à des facteurs objectifs – liés justement à la mondialisation – mais aussi à des facteurs subjectifs induits par l’idéologie spontanée produite par cette dernière. C’est ce qui explique que le « moment identitaire » ait pris son autonomie face au « moment souverainiste » et parfois s’oppose à lui alors que les raisons mêmes de son existence sont en réalité les mêmes.

Il faut le dire et le redire. L’aspiration à la souveraineté est quelque chose qui est fondamentalement « de gauche ».

 

Gavroche : A l’image de la zone de libre-échange avec le Japon, l’UE poursuit-elle des politiques commerciales dépassées ?

J. Sapir : Oui, très clairement. On doit constater l’incapacité radicale de l’UE à défendre les intérêts de ses membres. Par ailleurs, et il faut le rappeler, le processus de démondialisation a été paradoxalement initié par le pays qui avait le plus fait pour constituer la mondialisation en dogme : les États-Unis. On a vu les logiques, et les conséquences probables, de la politique de Donald Trump. Mais, la remise en cause de la mondialisation par les États-Unis est en fait antérieure. Elle commence paradoxalement sous la présidence de Barack Obama, pourtant considéré comme un président très favorable au multilatéralisme et à la mondialisation. La mise en place de diverses mesures, comme le Foreign Corrupt Practices Act et le Foreign Account Tax Compliance Act a été considérablement aggravée par la décision des autorités américaines de considérer que tout usage du Dollar faisait tomber automatiquement les sociétés étrangères sous le coup de la loi américaine, ce que l’on appelle le principe de l’extraterritorialité. Un rapport parlementaire sur ce problème a d’ailleurs été rédigé en 2016[13]. Le problème principal vient de ce que les transactions qu’il s’agissait d’honorer sont des contrats passés en dollars. Or, dans ce cas, les transactions ont nécessairement besoin de transiter par une banque américaine pour « acheter » des dollars, tombant alors sous le coup de la loi américaine. Des sociétés française (Alstom[14], Technip) et des banques (BNP-Paribas, puis Crédit Agricole et Société Générale) ont été condamnées via ces procédures.

Ces mesures se sont poursuivies sous l’administration de Donald Trump. En 2014, L’Union européenne s’est donc ralliée à une politique de sanctions économiques contre la Russie et n’a pas réagi dans les faits aux sanctions décidées par les États-Unis contre l’Iran. Par cette politique des « sanctions économiques », que ces dernières visent Cuba, l’Iran, la Russie ou le Venezuela, les États-Unis, et l’Union européenne[15] ont donc accéléré le phénomène de la démondialisation. Le retrait américain de l’accord de Vienne avec l’Iran (le Joint Comprehensive Plan of Action), n’a pas exclusivement visé à isoler l’Iran par le biais de sanctions économiques. Par crainte de représailles du fait de l’application extraterritoriale du droit américain, la dénonciation de cet accord a permis d’entraver la bonne marche des affaires que l’Iran entretenait jusqu’alors avec les sociétés et États européens, en particulier la France et l’Allemagne. Hormis l’Italie et la Grèce, qui ont directement négocié avec les États-Unis en contournant Bruxelles, ce qui est une nouvelle preuve de l’inefficacité de l’UE, aucun autre État européen n’a pu à ce jour bénéficier des exemptions américaines sur les exportations iraniennes de pétrole. Ce retrait unilatéral a engendré des répercussions économiques lourdes pour les entreprises européennes et en particulier françaises tel que PSA, Renault, Total et Airbus[16].

En montrant donc que les échanges, et les normes qui leurs sont liées, pouvaient être interrompus pour des raisons essentiellement politiques, les États-Unis ont apporté la démonstration que ces échanges et ces normes n’étaient nullement d’ordre « naturel » ou ne correspondaient pas à une quelconque « raison immanente », mais traduisaient des rapports de force, des rapports de domination. L’action des États-Unis ne s’est d’ailleurs pas arrêtée à l’Iran. Une note de la DGSI établit ainsi que « « les entreprises françaises évoluant dans ces secteurs (il s’agit des secteurs à haute technologie comme l’aéronautique, la santé la recherche) font l’objet d’attaques ciblées, notamment par le biais de contentieux juridiques, de tentative de captation d’informations et d’ingérence économique »[17].  La réaction de la Chine et de la Russie face à cette politique ne s’est pas faite attendre. Avec la création en retour de leurs propres agences de notation pour réguler les marchés financiers régionaux[18], ou par le mécanisme des « contre-sanctions » qui a été mis en œuvre en Russie dans l’agriculture, ces deux pays ont aussi contribué à affaiblir le cadre politique et réglementaire précédemment établi par la mondialisation.

Les États-Unis ont apporté la démonstration que ces échanges et ces normes n’étaient nullement d’ordre « naturel » ou ne correspondaient pas à une quelconque « raison immanente », mais traduisaient des rapports de force, des rapports de domination.

 

Gavroche : Vous prônez souvent un retour au protectionnisme modéré. Concrètement, qu’est-ce que cela signifierait pour la France ? Cela peut-il s’envisager au sein de l’UE ?

J. Sapir : Très concrètement, l’action à venir devrait se développer dans trois directions. D’abord devraient être adoptées des mesures de protection visant à compenser les effets du véritable « dumping social et écologique » auquel se livrent certains pays par l’instauration, aux frontières de l’Union européenne, de taxes importantes et, en son sein, de montants compensatoires sociaux et écologiques. Ces taxes, en faisant monter le coût des importations, rétabliraient la compétitivité des producteurs internes. Les revenus qu’elles devraient dégager pourraient alors alimenter des fonds dans les pays visés par de telles taxes pour leur permettre de progresser dans les domaines sociaux et écologiques[19].

Ensuite, une évolution de la zone euro est nécessaire pour qu’elle passe de la logique de la monnaie unique à celle de la monnaie commune afin de respecter les différences entre les inflations structurelles des divers pays membres, mais aussi, et ce point est important, pour qu’elle fonctionne comme une zone financière si ce n’est autarcique du moins réduisant très largement la mobilité des capitaux de court et de moyen terme en son sein. Durant la phase intermédiaire où l’euro resterait une monnaie unique, un mécanisme de financement direct de la part des déficits publics, par des avances au trésor des différents pays, devrait être institué.

Enfin, d’un point de vue réglementaire, les directives européennes concernant la concurrence et les services publics devraient être réécrites afin de faciliter la mise en place d’une politique industrielle et d’infrastructures (énergie, transport, communication) dans les pays de la zone euro. Ces mesures devraient d’ailleurs s’accompagner de la création d’un pôle public du crédit, qui pourrait être mis sur pied par voie réglementaire et qui viserait à assurer le financement des activités des PME et PMI en assurant la transformation de l’épargne. Pour fonctionner, ce pôle public implique que l’on mette des obstacles importants à la concurrence entre banques, sinon il connaîtra les mêmes dérives que Natexis ou autres. C’est pourquoi nous rangeons cette mesure avec celles qui aboutissent à la suspension de certaines directives européennes ; il est très clair qu’il faudra, en ce domaine aussi, prendre des libertés avec les principes de la « concurrence libre et non faussée » qui règnent sur l’Europe.

La mise en place de ces trois corps de mesures permettrait une politique de relance au niveau de la zone euro sans que l’on ait à craindre de voir les effets de cette politique se perdre dans des déficits extérieurs et être étouffés par le poids apparent des dettes publiques, dont le coût en termes de taux d’intérêt baisserait de manière considérable dans plusieurs pays. Ceci éviterait la crise que nous allons connaître sous peu. Nous connaîtrions aussi une baisse de l’euro, ce qui le ramènerait à un niveau compatible avec les nécessités de la croissance, soit à 0,9 ou 1 dollar.

Il est très clair qu’il faudra prendre des libertés avec les principes de la « concurrence libre et non faussée » qui règnent sur l’Europe.

L’on dira alors qu’une telle politique est impossible car elle impliquerait un niveau d’homogénéité politique entre les pays de l’Union européenne et de la zone euro qu’il est impossible d’atteindre, même en rêve. Nous sommes tout prêt à en convenir. On ne saurait atteindre une telle politique dans l’immédiat, et ce n’est pas par la concertation que l’on pourrait y aboutir pour l’ensemble de nos partenaires. Mais ce qui est impossible à vingt-sept peut le devenir pour un groupe plus réduit de pays, à la condition que ces derniers soient convaincus de la détermination de la France. Il nous faut ici affirmer que si cette solution pleinement concertée représente, de loin, la meilleure des solutions, la poursuite de la situation actuelle représente, quant à elle, la pire des solutions. Il faut apprendre à rompre avec la pratique qui consiste à parler sans agir pour commencer à agir, puis parler.

L’Union européenne telle qu’elle existe de manière institutionnelle, soit à vingt-sept membres, ne remplit aucune des conditions pour entamer une rupture avec la globalisation. Elle est trop engagée dans ce processus pour que l’on espère pouvoir attirer vers les positions que l’on a présenté les vingt-six autres pays. Les directives de Bruxelles en ont été les vecteurs. Mais, d’un autre côté, elle est aussi trop étroite. En fait, le projet que l’on a dessiné s’adresse aussi à des pays qui sont hors de l’Union européenne mais qui ne sont pas nécessairement hors de l’Europe, entendue cette fois dans le sens géographique. La Russie pourrait ainsi être concernée. Le projet peut ainsi intéresser des pays qui seraient prêts à reconfigurer l’Europe. En fait, le choix présenté, soit poursuivre dans la voie actuelle de l’Europe avec son cortège de faibles croissances et de soumission à la globalisation, soit entamer un nouveau cours donnant la priorité à la croissance la plus forte possible, au plein-emploi et à l’émergence d’un nouveau projet social, provoquera une cassure décisive entre nos partenaires. Encore faut-il que ce choix ne soit pas virtuel. C’est dans la concrétisation unilatérale des premières mesures de ce choix que nous pourrons voir quels sont les pays qui sont réellement prêts à nous suivre. Aussi faudra-t-il commencer par prendre des mesures unilatérale, moins pour nous dégager du carcan qui pèse sur nous que pour susciter cette fracture trop longtemps retardée et plus que jamais nécessaire.

 

Gavroche : Les critiques de l’UE peinent à se frayer un chemin dans le paysage médiatique français, et plus encore au sein de la sphère politique. Pour quelles raisons selon vous ?

J. Sapir : C’est incontestable. Il y a une forme de terrorisme idéologique qui règne sur cette question. Dès que vous émettez des critiques un tant soit peu fermes, on vous accable quand on ne cherche pas à vous ridiculiser. Vous devenez un apôtre de la guerre, un suppôt des « heures sombres de notre histoire ». Pourtant, et très logiquement, la construction européenne depuis ses origines dans les années 1950, n’a pas fait l’unanimité. Rappelons ainsi le discours de Pierre Mendès-France du 18 janvier 1957 sur le Marché Commun[20]. Dans ce discours, prononcé il y a 63 ans, il dit notamment : « L’harmonisation doit se faire dans le sens du progrès social, dans le sens du relèvement parallèle des avantages sociaux et non pas, comme les gouvernements français le redoutent depuis si longtemps, au profit des pays les plus conservateurs et au détriment des pays socialement les plus avancés. » C’est très justement le problème auquel nous avons été confrontés depuis l’acte unique et depuis le passage de la CEE à l’UE.

Les critiques contre l’UE, mais aussi contre l’Euro, sont légitimes, mais il y a une très forte pression dans la sphère médiatique pour les délégitimer. Ceci n’est pas sain.

 

Gavroche : L’économie de demain présentera plus de contraintes écologiques. La tendance à la démondialisation est-elle une aubaine ? Une relocalisation de la production entraînerait-elle des pertes importantes ?

J. Sapir : La démondialisation, on doit le répéter, ne fait évidemment pas disparaître les échanges. Elle peut même, sous certaines conditions, conduire à leur accroissement, mais dans un autre cadre. Même si, dans certains cas, les logiques des chaînes de sous-traitance tendent à se renationaliser, les échanges commerciaux et financiers continueront d’être très importants. Cette démondialisation ne règle pas non plus tous les problèmes. Ainsi, l’interdépendance des économies va perdurer, de même que les grandes questions qui sont liées au développement et à la gestion des ressources naturelles. On le voit aussi avec la question écologique, que certains abusivement réduisent à la question du dérèglement climatique, mais qui est en réalité bien plus profonde. Mais, les problèmes qui en découlent devront être résolus, ou à tout le moins gérés, dans un strict respect de la souveraineté des uns et des autres. L’un des premier mensonge que l’on entend fort souvent est que la démondialisation nous conduirait à l’autarcie, comme si nous n’avions de choix qu’entre le libre-échange intégral et la fermeture totale des frontières. Rien n’est plus faux, et l’exemple de la période 1950-1990, où nous avons vécu dans un cadre protectionniste, le montre à l’évidence. Il convient, tout d’abord, de s’entendre sur les termes. Les périodes d’autarcie totale, sauf durant des conflits, ont été extrêmement rares dans l’histoire. Même l’Union soviétique, que l’on présentait comme fermée au commerce international a, dans les faits, entretenu des relations commerciales importantes avec le reste du monde tant avant qu’après la seconde guerre mondiale[21].

L’un des premier mensonge que l’on entend fort souvent est que la démondialisation nous conduirait à l’autarcie, comme si nous n’avions de choix qu’entre le libre-échange intégral et la fermeture totale des frontières

Cela veut dire que les flux, tant commerciaux que financiers, devront être contrôlés. Et il faut s’attaquer aujourd’hui à cette question du contrôle, des principes devant présider à ce contrôle, et non pas chercher à revenir à tout prix au « Libre-échange ». La montée du protectionnisme est aujourd’hui une évidence, et elle n’est pas une mauvaise chose[22]. Mais, ce protectionnisme doit être pensé, réfléchi. C’est là, normalement, un programme de travail qui devrait s’imposer à l’ensemble des dirigeants politiques. Pourtant, on constate sur ce point une grande résistance en Europe. De fait, ce sont les dirigeants qui plaident pour un Libre-échange intégral qui représentent aujourd’hui les femmes et les hommes du passé.

Il y a aussi des traités, et des institutions qui, sans être nécessairement obsolètes, sont en réalité dangereux. Le CETA en est un des exemples. On sait que les négociations pour ce traité dit « de nouvelle génération » découlent justement des blocages de l’OMC. Mais, et cela a été largement démontré depuis plus de deux ans, le CETA est un traité dangereux, tant d’une point de vue politique (il met la démocratie en tutelle) que du fait de ses conséquences financières et écologiques. La lutte politique contre ces institutions devient alors une priorité.

Dans le cas des États-Unis, pays pourtant dominant lors de la marche à la mondialisation, la part des salariés dans le secteur manufacturier, un secteur ou traditionnellement les salaires ouvriers sont le plus élevé est passé de 32% en 1953 à 8,5% en 2018. Les États-Unis ont perdu plus de 8 millions de postes de travail, un processus qui s’explique par la délocalisation des activités industrielles. Mais, sur les postes de travail restant, la concurrence avec le travail à très bas coût des immigrants, que les entreprises vont chercher hors des frontières et qu’elles maintiennent dans un état de semi-servitude, ce qui permet évidemment de les payer moins, explique aussi la stagnation des salaires ouvriers[23]. Lutter contre cette forme de la mondialisation implique donc bien de réhabiliter le protectionnisme. C’est en réalité ce qui sous-tend la politique commerciale des États-Unis de Donald Trump dans leur affrontement avec la Chine[24]. Un débat intéressant opposant partisans du protectionnisme[25] et partisan du « régionalisme », soit une forme de libre-échange limitée à des blocs régionaux[26], a eu lieu à l’automne 2018 dans le cadre du Club Valdaï. L’opposition est en réalité entre deux visions, celle d’États-nations qui défendent leur souveraineté et qui, sur cette base, nouent des coopérations pour résoudre certains problèmes d’une part, et celle d’ensembles régionaux intégrés, protégés par des droits de douanes extérieurs importants et par des alliances militaires mais pratiquent en leur sein une forme quasi-totale de libre-échange et acceptant des formes d’institutions supranationales d’autre part. De fait, l’un et l’autre vision aboutissent à nier la mondialisation et sont des formes possibles de démondialisation. Mais, la première, correspond sans doute mieux à une vision démocratique de la démondialisation.

On ne doit pas attendre que la démondialisation se produise pour ainsi dire « naturellement » ou du fait de la logique des évolutions du commerce et des réactions politiques qu’elles suscitent. On ne doit pas attendre que cette démondialisation se fasse sous la direction implicite, et parfois explicite, de ceux qui ont dans la période précédente conduit la mondialisation. La démocratie et la souveraineté ne sont jamais concédées mais toujours conquises. Le combat pour la démondialisation, pour imposer ce retour du politique et de la démocratie, reste plus que jamais d’actualité.

 

Gavroche : En tant que spécialiste de l’économie russe, pensez-vous que ce pays va souffrir à l’avenir de sa dépendance aux énergies fossiles ? Quelles pistes sont alors à envisager ?

J. Sapir : La Russie est financièrement dépendante des matières premières (et donc des hydrocarbures) plus qu’elle ne l’est économiquement. On a vu, dans le cours de la violente crise qui a secoué le secteur pétrolier depuis mars dernier que la Russie avait développé des instruments pour gérer sa sensibilité financière aux hydrocarbures.

Pour neutraliser la situation sur les marchés et dans l’économie, les autorités monétaires russes ont à leur disposition un large ensemble de mesures qui peuvent être utilisées. Premièrement, il s’agit d’opérations sur le marché des changes. On sait qu’à partir de 2018, la Banque centrale a arrêté les achats de devises dans le cadre de la règle budgétaire. Les prix du pétrole étaient alors plus élevés qu’aujourd’hui, et l’on pouvait penser qu’ils se stabiliseraient dans la zone de 65 $ – 70 $ le baril. Ainsi, une pause dans le mécanisme des règles budgétaires a fourni au marché 4 à 5 milliards de dollars par mois d’août à décembre 2018. L’alimentation en liquidités par les gains réalisés sur le marché du pétrole s’est alors substituée à une politique de présence de la Banque centrale. Aujourd’hui, la situation est évidemment différente. Avec un prix du pétrole qui est largement inférieur à 42 $ par baril, la « règle budgétaire » est annulée de facto. Pour cette raison, le soutien au marché des changes devrait désormais provenir d’une décision du Ministère des Finances de commencer à convertir une partie des actifs de la Caisse nationale du rouble. Les analystes d’Alfa-Banque parlent de montants potentiellement égaux à 2 à 3 milliards de dollars par mois, ce qui correspondrait à la taille du déficit mensuel pour un prix du pétrole de 35 $ le baril. La décision du Ministère des Finances pourrait alors éviter un déficit budgétaire.

D’autres mesures sont envisageables à court terme. La Banque centrale de Russie a élargi les mécanismes de fourniture de devises et de liquidités en roubles pour les différentes acteurs économiques. Elle va aussi utiliser des mesures macro-prudentielles (comme une réduction des dépôts obligatoires et un assouplissement des règles prudentielles pour les banques) afin d’atténuer les effets des demandes de crédit qui proviendront des secteurs touchés par le coronavirus. Cela contribuera à atténuer l’effet de la volatilité financière dans le secteur réel. Toutes les mesures sont valables jusqu’au 30 septembre et cela signifie que la Banque Centrale de Russie n’attend pas de solution rapide aux problèmes apparus en rapport avec le coronavirus. On peut aussi penser que cela correspond à une évaluation de la durée potentielle de la guerre des prix qui a actuellement lieu.

Le seuil d’équilibre du budget russe était prévu autour de 42 $ le baril. La baisse actuelle des prix du pétrole pouvant s’avérer être de court terme et, dans ce cadre, les observateurs ne voient aucune menace pour les projets nationaux. Le problème de leur sous-financement restera néanmoins posé. Il n’est donc pas complètement impossible que des mesures expansionnistes soient prises d’ici la fin juin. Le déficit éventuel sera financé par le Fonds national de protection sociale. La préparation du projet de budget pour l’année 2021, qui a généralement lieu en été, sera donc l’échéance à laquelle une révision de la stratégie budgétaire pourrait voir le jour. Le principal risque est qu’au lieu d’offrir des réductions d’impôts pour la croissance, le cabinet se concentrera sur la façon de collecter plus de revenus pour réduire le niveau du prix du pétrole nécessaire à l’équilibre à des niveaux plus appropriés.

Globalement, les piliers de la croissance de cette année sont nécessairement en train de changer. L’extraction de pétrole devait permettre une forte croissance de la production, même si ceci aboutissait à renforcer la dépendance structurelle de la Russie au pétrole. Aujourd’hui, certains segments de la production pourraient bénéficier de la faiblesse du rouble, comme le secteur des matériels de transports ou celui de la pétrochimie. Mais, la faible demande extérieure se maintiendra pendant encore de longs mois.

 

Gavroche : La France entretient des relations pour le moins distantes avec son homologue russe. Est-ce justifié selon vous ? Est-ce à notre avantage ?

J. Sapir : La position de la diplomatie française par rapport à la Russie apparaît comme incohérente. Alors que notre principal adversaire géostratégique aujourd’hui ce sont les États-Unis, une politique de rapprochement avec la Russie ferait sens. Cela pose plus globalement la question d’un rapprochement avec l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghaï).

Il faut rappeler que l’OCS est la première, et quasiment la seule, organisation internationale post-Guerre froide. Elle est ouvertement fondé sur une volonté de coopération d’États souverains et limite au strict nécessaire la production de normes en son sein. Son succès produit un symbolique effet de miroir du fait de la quasi-simultanéité des deux réunions. Non que les conflits n’existent pas entre les nations membres ou associées à l’OCS. Mais, enfin, ces conflits ont été maîtrisés. La Chine et l’Inde y cohabitent, de même que l’Inde et le Pakistan. Existe-t-il donc tant d’organisations régionales qui peuvent se prévaloir de tels succès ? Et l’on peut y voir, ici, l’avantage d’une structure respectant la souveraineté des Nations, admettant l’expression ouverte des intérêts nationaux et, à partir de là, permettant d’aboutir à des compromis, sur une structure – le G-7 – prétendant faire d’une raison supranationale, la logique économique et financière, le guide de l’ordre du monde. Rappelons, aussi, que l’OCS est en grande partie fondée par les pays des BRICS, ce groupe qui rassemble la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud.

La France, qui est présente dans l’Océan Indien, l’une des zones couvertes par l’OCS, aurait donc intérêt à se rapprocher de cette organisation, voire de demander un statut d’observateur.

 

[1] Sapir J., La Démondialisation, Paris, Le Seuil, 2010.

[2] Minc A., La Mondialisation Heureuse, Paris, Pocket, 1999.

[3] Barma N., Chiozza G., Ratner E. et Weber S. (2009), “A World Without the West? Empirical Patterns and Theoretical Implications”, in Chinese Journal of International Politics, n° 2, Vol.4, 2009, pp. 525-544.

[4] Voir Aron J-P., Ferro M., Les sociétés devant l’épidémie : l’impuissance et la peur – Archive INA, https://www.youtube.com/watch?v=8qhBA5_Y5zA

[5] https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-va-enfoncer-un-premier-coin-dans-les-traites-de-libre-echange_1871797.html

[6] https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/02/donald-trump-veut-mettre-fin-a-l-alena-rapidement_5391562_3210.html

[7] Page, B et Gilens, M, Democracy in America: What Has Gone Wrong and What Can be Done About It, Chicago, IL, University of Chicago Press, 2017; Domhoff, W, The Power Elite and the State, Londres, Routledge, 2017.

[8] Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

[9] Voir l’article de Larry Elliot dans le Guardian, « Labour must not just accept Brexit but embrace it » in https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/dec/20/labour-embrace-progressive-brexit-tories-interventionist

[10] Braudel F., L’identité de la France – Espace et Histoire, Paris, Flammarion, coll. Champs, 1990.

[11] Ferro M., « l’identité de la France, « une aventure de deux millénaires » », propos recueillis par A. Lacroix, l’Express, 03/01/2017, https://www.lexpress.fr/actualite/societe/marc-ferro-l-identite-de-la-france-une-aventure-de-deux-millenaires_1865313.html

[12] Bouvet L., L’insécurité culturelle, Paris, Fayard, 2015, 192 p. et Guilluy C., La France périphérique : Comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014, 192 p.

[13] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp . Un rapport plus récent de 2019 fait le tour de cette question : GAUVAIN, Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale, Paris, Assemblée Nationale, 26 juin 2019, 101 p., https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194000532.pdf

[14] Voir, Alstom Pleads Guilty and Agrees to Pay $772 Million Criminal Penalty to Resolve Foreign Bribery Charges, US Department of Justice, Office of Public Affairs, 22 décembre 2014, http://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=https%3A%2F%2Fwww.justice.gov%2Fopa%2Fpr%2Falstom-pleads-guilty-and-agrees-pay-772-million-criminal-penalty-resolve-foreign-bribery

[15] Cette dernière étant dans les faits l’une des grande perdante aux sanctions contre la Russie : Fast 700 Millionen US-Dollar pro Monat: Deutschland leidet unter Russland-Sanktionen, in Handelsblatt, 11 octobre 2019, https://www.handelsblatt.com/politik/international/krim-streit-fast-700-millionen-us-dollar-pro-monat-deutschland-leidet-unter-russland-sanktionen/25107884.html?ticket=ST-44354031-vztL3Mvyz2G7mcsrF6Tv-ap4

[16] https://www.capital.fr/entreprises-marches/total-abandonne-south-pars-11-en-iran-a-moins-dune-derogation-1288307

[17] Egrelle O., Airbus espionné par les Etats-Unis, in Portail de l’IE, 23 novembre 2018, https://portail-ie.fr/analysis/1987/airbus-espionne-par-les-etats-unis

[18] https://www.lesechos.fr/09/06/2014/lesechos.fr/0203545205622_la-russie-et-la-chine-s-associent-afin-de-creer-une-agence-de-notation-commune.htm

[19] C’est le principe du « protectionnisme altruiste » défendu entre autres par Bernard Cassen.

[20] https://www.cvce.eu/obj/discours_de_pierre_mendes_france_sur_les_risques_du_marche_commun_paris_18_janvier_1957-fr-c81bfdc2-20a9-4eaa-82ec-c2117fa1f3c2.html

[21] Kostecki M., « L’U.R.S.S. face au système de commerce multilatéral » In Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 10,1979, n°3. pp. 75-89

[22] Perez Y., Les Vertus du protectionnisme, Paris, L’Artilleur, 2020.

[23]  Smith, J, « Imperialism in the Twenty-First Century », New York, Monthly Review Press, 2016.

[24] Cafruny A., Global Trade War ? Contradictions of US Trade Policy in the Trump Era, Valdaï Club Papers n°93, septembre 2018, disponible en ligne à : http://valdaiclub.com/a/valdai-papers/

[25] Sirota O., « Protectionism is a good thing », http://valdaiclub.com/a/highlights/protectionism-is-a-good-thing/

[26] Lissovolik Ya., « Regionalism vs Protectionism : looking ahead to 2019 », http://valdaiclub.com/a/highlights/regionalism-vs-protectionism-looking-ahead-to-2019/?utm_source=newsletter&utm_campaign=104&utm_medium=email

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