Michel Barnier à Matignon : ascension du RN et République en crise

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Depuis le jeudi 5 septembre, nous connaissons le nom de notre nouveau Premier ministre : Michel Barnier. Ancien ministre sous Nicolas Sarkozy mais aussi sous Jacques Chirac, le cadre des LR est vu par l’Élysée comme ayant les chances de « rassembler le plus largement ».

Cette nomination apparaît comme une défaite pour le Nouveau Front populaire, qui n’a pas réussi à s’imposer aux yeux du président, malgré son statut de première force politique à l’Assemblée nationale. Après cet échec, la gauche fait face à un défi de taille : l’union. Le parti socialiste a déjà exprimé son rejet du nouveau Premier ministre, et a annoncé vouloir le censurer, comme les autres partis du NFP.


Le RN, allié de la gauche malgré lui ? 

Le Rassemblement national risque fortement d’être le facteur X dans le vote des lois. Les cent vingt-six députés du parti d’extrême droite peuvent faire basculer chaque scrutin.

En 2022, Michel Barnier avait appelé à voter pour Valérie Pécresse face à Eric Ciotti lors des primaires des Républicains, avant d’appeler à voter Macron au second tour de la présidentielle. Il disait à l’époque, ne pas « se retrouver dans les thèses d’extrême droite ». 

Le nouveau Premier ministre se retrouve donc dans un dilemme : ou il s’oriente vers l’extrême droite, en nommant des personnalités plus conservatrices, ou bien il décide de créer un gouvernement rassemblant « l’arc républicain », un arc républicain qui ne comprendrait donc pas tous les partis du Nouveau Front populaire.

Jordan Bardella attend la déclaration de politique générale pour se prononcer. Si le RN avait annoncé vouloir participer à la censure d’un gouvernement avec à sa tête Xavier Bertrand, le statut d’homme d’Etat et d’ancien ministre de Michel Barnier pourrait jouer dans la balance, et aider à trouver des compromis. 

Pour Marine le Pen, il n’y aura aucun ministre du Rassemblement national au sein du gouvernement Barnier. La censure n’a pas été évoquée, mais est probablement un sujet capital au sein du parti d’extrême droite, le vote d’une motion de censure les obligerait à s’allier avec la gauche, le vote de confiance au gouvernement, quant à lui, pourrait être perçu comme un ralliement au camp présidentiel, voire une trahison de ses électeurs.

De son côté, Eric Ciotti voit à travers la nomination de Michel Barnier un acte de trahison de la droite républicaine, lui qui avait décidé de se ranger du côté du Rassemblement national pour les dernières élections législatives. Cependant, il n’y a aucune référence à une possible censure de la part de son camp, laissant planer le doute sur le sort du nouveau Premier ministre. 

La censure est-elle alors possible ? Seul le Rassemblement national peut répondre à cette question. Ses députés vont déterminer le sort de ce nouveau gouvernement. Peu avant la dissolution, Marine le Pen annonçait sur RTL « nous ne sommes pas La France insoumise, nous ne souhaitons pas le chaos et la désorganisation ». 

Ce choix de censurer ou pas va être influencé par une question centrale : quel camp, entre celui du président et celui des partis de gauche, est celui que le RN souhaite combattre en priorité. 

Le parti présidentiel n’a plus eu assez de voix pour concurrencer le parti d’extrême droite lors des dernières élections, contrairement au Nouveau Front populaire, mais Emmanuel Macron est toujours président de la République, cible privilégiée et impopulaire, que pourrait aisément attaquer le parti de Jordan Bardella. Ce choix peut aussi se révéler comme un indicateur d’une future opposition en 2027 : le Rassemblement national ne cesse de grappiller des voix, se retrouvant largement favori pour les futures échéances. Au Rassemblement national de choisir à qui s’opposer, il est à la fois maître de la situation et pris au piège, car si la censure a bien lieu, il sera accusé par la droite et le camp présidentiel de copier les méthodes de la France Insoumise, et de bloquer le pays, contrevenant ainsi totalement à l’image qu’il tente de faire valoir.

Quel futur pour la gauche et pour le pays ? 

Pour la gauche, le plus important est de rester unie, de ne pas créer des tensions inutiles, la manifestation du 7 septembre se devant ainsi d’être un exemple d’unicité entre tout les partis du NFP. Si certaines craintes à propos d’un possible ralliement du Parti socialiste au gouvernement étaient compréhensibles, le PS a directement annoncé dans un communiqué de presse que leurs députés allaient censurer le nouveau Premier ministre ainsi que son gouvernement.

Avec la formation d’un nouveau gouvernement auquel il est opposé, le Nouveau Front populaire semble plus apaisé, en tout cas, c’est le message ce qu’il souhaite envoyer. Le combat contre un ennemi commun prend le dessus sur les tensions inter-partis, et leur programme commun et leur coopération sont visiblement amener à se poursuivre malgré l’échec de la nomination de Lucie Castets.

Il est maintenant primordial d’avancer en bloc, de ne pas lâcher cette pression sur le gouvernement. L’unité de la gauche doit être suivie dans le temps, il faut apprendre des erreurs de la NUPES, afin de ne plus avoir des partis faisant cavalier seul, empêchant à la gauche de jouer les premiers rôles dans les suffrages. 

Lucie Castets pourrait continuer à être le porte étendard de la coalition de gauche, elle semble faire l’unanimité auprès de tout les groupes politiques. Reste à savoir si l’ego des différents cadres des partis ne remontera à un moment. Les prochaines élections sont prévues en 2026, cela sera les municipales, reste à savoir si l’Assemblée nationale sera à nouveau dissoute, et si la gauche continuera à faire face, comme un seul et unique parti, au camp présidentiel. 

Si cette union se dégrade, alors les partis de gauche pourront laisser tomber une candidate commune, et se retrouver dans un scénario équivalent aux Européennes, les prochains jours donneront une indication claire sur le choix des différents partis. Cet échec politique pourrait aussi sonner la fin du rassemblement autour d’une seule et même figure politique. Le consensus fut compliqué, les tractations ont laissé certaines formations politiques sur leur faim. La France Insoumise, qui avait promis ne pas envoyer de ministre dans le potentiel gouvernement Castets, pourrait décider de reprendre le flambeau et de mener le Nouveau Front populaire. 

Cette hypothèse pourrait augmenter les tensions, et faire voler en éclats une coalition déjà fragilisée par la nomination d’un Premier ministre de droite.

Malgré ces interrogations, le Nouveau Front populaire va probablement rester soudé, en attendant de voir si la motion de censure du gouvernement sera un échec ou une réussite.

Outre cette union, le seul moyen de ne pas avoir une majorité macroniste est une alliance de circonstance avec le RN, qui a assez de députés pour former une majorité avec les partis de gauche. Bien sûr, cette alliance durerait seulement le temps d’un vote, afin de censurer le nouveau gouvernement. Cela ne serait en aucun point un rapprochement entre la gauche et l’extrême droite, mais elle est peut-être la seule issue possible pour que le Nouveau Front populaire confirme son statut de vainqueur des dernières élections. . 

Cependant, de plus en plus de voix, notamment à gauche, s’élèvent pour dénoncer la complicité du parti de Marine le Pen et de Jordan Bardella avec Ensemble, comme par exemple Antoine Léaument sur X (anciennement Twitter).

Barnier est considéré comme l’ouverture du macronisme à l’extrême droite, reste à savoir si sa déclaration de politique générale et ses premières mesures à la tête du gouvernement arriveront à convaincre à sa droite sur l’échiquier politique. Au centre des débats : l’immigration, la proportionnelle et l’insécurité. Yael Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a demandé, à travers un communiqué publié en début d’après-midi, la convocation d’une session extraordinaire afin de permettre au nouveau Premier ministre de s’exprimer le plus rapidement possible sur son rôle et ses ambitions pour la France.


Deux mois après le résultat des législatives, la France a enfin un Premier ministre, et pourtant, rien n’est plus clair, au contraire même. Le feuilleton n’est peut être qu’au premier épisode d’une grande bataille politique. L’instabilité démocratique se pérennise. Pour reprendre les mots du premier secrétaire du Parti Socialiste, Olivier Faure: « Nous entrons dans une crise de régime ».

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