1er mai : des communistes à l’hôpital

4.8
(4)

Quoi de plus approprié pour la fête des travailleurs que d’envoyer des militants communistes à l’hôpital ? Ça ne l’est pas ? Quel scoop ! Explications. 


Un 1er mai tendu

Ce lundi 1er mai a eu lieu la désormais traditionnelle manifestation célébrant la fête des travailleurs. La marche de cette année était avant tout dédiée à l’opposition à la réforme des retraites, passée par 49.3 et grâce à un Conseil Constitutionnel discutable.

Les conditions étaient réunies pour que cette manifestation soit explosive. La colère gronde contre le gouvernement, qui a étouffé les débats et fait passer sa loi en force, n’ayant à opposer aux actifs majoritairement opposés au projet que des éléments de langage et une répression policière. À cela s’ajoutent les tactiques de diversion du gouvernement, qui a fait miroiter une réforme de l’immigration, désormais repoussée, et qui s’est engagé dans un bras de fer avec les Comores.

Les militants prompts à l’affrontement avec les forces policières étaient ainsi plus remontées que jamais. En témoigne l’ampleur des affrontements un peu partout en France. La Place de la Nation à Paris fut aspergée de gaz lacrymogènes, qui se sont répandus jusque dans les tréfonds de la station de métro. On dénombre aussi des incendies et des blessés des deux côtés de la barricade.

 

Un raid « black bloc » contre le PCF

Si, comme dans la plupart des manifestations, le gros du cortège n’a pas connu le gaz et les charges policières (du moins avant d’arriver sur la place de la Nation), cela n’a pas empêché la violence de s’exprimer au cœur-même du défilé.

Le stand du Parti Communiste Français a été attaqué. D’après Nicolas Bonnet Oulaldj, président du groupe communiste au Conseil de Paris, il l’aurait été par des black bloc munis de feux d’artifice et de mortiers. Lors du raid, des slogans contre Fabien Roussel, secrétaire général du PCF, ont aussi été scandés : « Non, Roussel n’est pas un camarade ! », « Tout le monde déteste Fabien Roussel ! » Résultat : Fabien Roussel évacué d’urgence, un stand saccagé, et deux militants à l’hôpital.

Une capture d’écran Telegram faisant le tour des réseaux sociaux montrait des individus d’extrême droite revendiquer l’assaut, arborant leur prise : un drapeau du PCF. Le mystère reste de ce fait encore entier sur les perpétrateurs : est-ce l’extrême droite ? Des « gauchistes » ? Une alliance de circonstance des deux ?

Capture d’écran du groupe Telegram d’extrême droite Ouest Casual

Les militants d’extrême gauche qui se sont amusés de l’attaque et la soutiennent, préférant injurier le PCF, son secrétaire général et ses militants, plutôt que d’apporter leur soutien à des camarades blessés, n’ont pas eu de vergogne à se ranger du côté des fascistes.

 

Faut-il en rire ? En pleurer ?

Il est étrange à première vue que le parti historique des classes populaires en France se fasse attaquer par des militants d’extrême gauche. Pourquoi attaquer l’organisation qui a mené les plus grands combats, et permis de belles avancées dans l’histoire sociale française.

Il est aussi incompréhensible que le PCF soit attaqué et que son secrétaire général ne mérite pas le qualificatif de « camarade », alors que cette critique n’est pas formulée envers le Parti Socialiste, qui a trahi à chaque fois qu’il a été au pouvoir (Mitterrand, Jospin, Hollande), ou envers Europe Écologie les Verts, parti des CSP+ de centre-ville et réactionnaire sur le plan scientifique.

Les « gauchistes » préfèrent les postures pseudo-radicales de militants de ces deux partis et leur soumission à l’alliance électorale de la NUPES, qui assure leur survie politique, à un PCF plus « à gauche » programmatiquement que ses 3 compères « alliés ». Il apparaît évident qu’il s’agit avant tout d’un problème de posture, les individus a priori de gauche qui ont attaqué le PCF n’ayant pas de colonne vertébrale idéologique. Ou se prétendant plus subversifs qu’ils ne le sont.

 

Des dissensions qui s’affichent sur Twitter

En réaction au saccage, il aurait été attendu que les alliés du PCF au sein de la NUPES lui apportent un soutien total. Que nenni ! Silence radio pour le PS (exceptés des soutiens locaux et de personnalités comme C. Delga), soutien évasif d’EELV, qui se contente de condamner les violences en général, simple message de soutien de Génération·s, et… invectives de S. Chikirou (LFI) et A. Taché (groupe EELV à l’Assemblée), deux députés de la NUPES issus de la droite…

Ces deux parlementaires ont sauté sur un tweet du PCF partageant une ancienne affiche « contre les violences », dénonçant les comportements des « ultra-gauchistes, anarchistes, maoïstes, ou trotskystes ». Rien à voir avec LFI, mouvement social-démocrate, si ce n’est la posture révolutionnaire que son chef et ses députés adoptent. Aussi, quelle belle occasion pour les deux députés susnommés de se refaire une vertu ? L’une a été sarkozyste, l’autre macroniste, siégeant aux côtés de Gérald Darmanin.

Cette séquence twitteresque ne sort cependant pas de nulle part. La gauche, malgré et avec la NUPES, est plus divisée que jamais. Le PCF prône une démarche d’ouverture de la NUPES en assurant des bases anticapitalistes. LFI veut assurer son hégémonie sur son camp politique dans un cadre de fin de règne de Jean-Luc Mélenchon. Enfin, le PS est coupé en deux, entre Olivier Faure et son soutien de la NUPES, et les socialistes libéraux de Nicolas Mayer-Rossignol. Le PCF a été plus soutenu officiellement dans cette affaire par le petit parti Gauche Républicaine et Socialiste et des PS-dissidents comme Delga que par ses alliés. Belle ambiance…

Ces affrontements symptomatiques sur les réseaux sociaux n’est peut-être pas la voie à prendre si l’objectif est la conquête du pouvoir. Peut-être que l’enjeu n’est pas là. Face à l’échec, certains se seraient-ils rangés à l’idée d’assurer leur rente militante et électorale ?


L’attaque du stand du Parti Communiste Français lors de la manifestation parisienne du 1er mai est symptomatique de la fange dans laquelle la gauche se roule. Entre des postures pseudo-subversives, de l’épanchage de vertu, et des divergences stratégiques et idéologiques dont on voit mal le dépassement, il y a de quoi être pessimiste pour les perspectives futures de la gauche.

 

Théophile Noree

Votre avis nous intéresse !

Parce que vous comptez...

Résultat moyen : 4.8 / 5. 4

Soyez le premier à partager votre impression!

Vous avez trouvé cet article intéressant...

Suivez l'aventure Gavroche sur nos réseaux !

Nous sommes désolés que l'article ne vous ait pas plus.

Aidez-nous à nous améliorer !

Dites-nous ce que vous en avez pensé !

Auteur/Autrice

Poster un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.