Sortie du nucléaire : le mauvais exemple allemand

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Le 15 avril 2023, l’Allemagne arrêtait définitivement les dernières centrales nucléaires d’Isar 2, Neckarwestheim et Emsland. Depuis les années 2000, en sortant du nucléaire, l’Allemagne ne cesse de se rendre dépendante des énergies fossiles pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables, censées remplacer le nucléaire.


Le processus de sortie du nucléaire avait été considérablement accéléré par l’ancienne chancelière Angela Merkel en 2011 après l’accident de Fukushima (sans aucun mort direct) qui, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, avait suscité nombreux questionnements sur les modes de production d’électricité, jugeant l’atome trop dangereux. En France, un débat houleux a ré-émergé avec la hausse des coûts de l’électricité autour de la souveraineté énergétique et des enjeux écologiques quant au choix de la production énergétique d’un pays.

« Atomkraft? Ja bitte » – « Le nucléaire ? Oui, s’il vous plaît » © nuclearpoweryesplease.org

LE CHOIX DE L’ALLEMAGNE : CELUI DES ÉNERGIES FOSSILES PLUTÔT QUE LE NUCLÉAIRE

Depuis le 15 avril 2023, l’Allemagne ne produit plus d’électricité grâce au nucléaire. La politique de transition énergétique du pays a été celle des EnR (énergies renouvelables : hydraulique, solaire, éolienne et géothermique), plutôt que celle de l’atome.

Le problème des technologies EnR, c’est qu’elles ne permettent pas la production d’électricité de manière régulière. Pour qu’une éolienne produise de l’électricité, il faut qu’il y ait du vent, pour qu’un panneau solaire produise de l’électricité, il faut qu’il y ait du soleil, etc. Alors, pour pallier les manques de production électrique, l’Allemagne a trouvé une solution très simple : utiliser des centrales à charbon et importer du gaz russe, se rendant de fait dépendante de la Russie.

En janvier dernier, les images de Lützerath avaient marqué le monde entier. C’était le dernier village à ne pas avoir été rasé pour étendre l’une des plus grandes mines de lignite d’Europe – le lignite étant un type de charbon composé aux 3⁄4 de carbone faisant de lui l’un des plus polluants.

Une personne se tient devant la mine de charbon. Il y a des immenses excavatrices au fond. Le paysage sur le côté droit de l'image ne se distingue plus car la mine est immensément grande.
La mine de charbon bordant le village de Lützerath en Allemagne. On voit d’immenses excavatrices au fond. © Le Parisien

Outre le problème écologique que pose l’exploitation du charbon, c’est un problème social. L’écologie devient une lutte : celle contre les énergies fossiles mais aussi contre la destruction de villages entiers au profit de l’industrie du charbon. Lützerath, qui avait regroupé quelques dizaines de milliers de militants écologistes, est le parfait exemple de cette lutte.

Si la France choisissait la même voie que celle de l’Allemagne, c’est-à-dire celle des EnR plutôt que du nucléaire, c’est-à-dire celle du charbon et du gaz plutôt que du nucléaire, nous aurions beaucoup à perdre : notre souveraineté énergétique. De plus, aujourd’hui comme pour demain, l’enjeu écologique est primordial, et il est donc important de prendre en compte les effets environnementaux de nos choix énergétiques.

LE BILAN ÉCOLOGIQUE DE LA FRANCE ET DE L’ALLEMAGNE : UN FORT CONTRASTE

La France est aujourd’hui le deuxième pays producteur d’électricité à base d’énergie nucléaire au monde. Plus de trois quarts de l’énergie française est produite à partir du nucléaire. Son développement a également permis à la France de se débarrasser progressivement du pétrole et du gaz au début des années 2000 dans sa production d’énergie.

le nucléaire, le gaz naturel, l'hydraulique, le charbon, le pétrole, et les énergies renouvelables thermiques et déchets sont représentés sur un graphique dont l'axe des ordonnés va de 0 à 1800 (TWh) et l'axe des abscisses de 1970 à 2020 (années).
Production d’énergie primaire par énergie en 2020 (en TWh) © Ministère de la transition écologique

Du côté de la consommation d’énergie, des efforts sont encore à faire pour réduire la proportion de pétrole et de gaz afin d’atteindre nos objectifs écologiques. Cependant, plus de la moitié de la consommation d’énergie primaire en France provient des EnR et du nucléaire, celui-ci représentant 40% du mix énergétique du pays.

Le charbon, le gaz naturel, le pétrole, le nucléaire et les EnR sont représentés sur un diagramme circulaire.Le nucléaire représente 40%, les EnR 12,9%, le pétrole 28,1%, le gaz naturel 15,8% et le charbon 2,5%.
Répartition de la consommation d’énergie primaire par énergie en 2020 (en %). D’après les données du Ministère de la transition écologique

En Allemagne, le résultat n’est pas du tout le même. Le nucléaire ne représente plus que 6% de la consommation d’énergie primaire. Les EnR occupent quasiment la même place qu’en France, représentant 13%. Cependant, la part du pétrole, du charbon et du gaz est bien plus importante, représentant au total environ 80%. La sortie du nucléaire n’est pas clairement pas un grand succès au niveau écologique pour l’Allemagne.

Le charbon, le nucléaire, les EnR, le gaz naturel et le pétrole sont représentés sur un diagramme circulaire.Le nucléaire représente 6,1%, les EnR 13,1%, le pétrole 34,6%, le gaz naturel 23,8% et le charbon 22%
Répartition de la consommation d’énergie primaire en Allemagne par énergie en 2017 (en %). D’après les données du Bundesministerium für Wirtschaft und Energie (ministère de l’économie et de l’énergie)

De plus, l’Allemagne se place parmi les pires élèves de sa classe sur la moyenne des émissions de CO2 pour sa consommation électrique. Et la France, parmi les meilleurs, à côté de la Suède et de la Norvège.

© Phillipe Lacour

Certains écologistes vendent les EnR comme moyen écologique de faire disparaître le nucléaire. La réalité est que les EnR ne suffisent pas pour compenser les besoins en énergie que ce soit pour la France ou pour l’Allemagne. Pour compenser les manques créés par les EnR, la consommation électrique allemande est donc basée sur les énergies fossiles, bien plus polluantes que le nucléaire. 

Le nucléaire est en effet une des sources d’énergie les plus bas-carbone au monde, devant même les EnR. C’est donc un élément indispensable à la transition bas-carbone. Il permet à la France d’avoir l’un des mix électriques les plus décarbonés d’Europe.

L’ÉNERGIE : UNE QUESTION DE SOUVERAINETÉ

On l’a vu, plus de 75% de l’énergie produite par la France provient du nucléaire et le reste provient des EnR, permettant à la France d’assurer son indépendance au gaz et au pétrole, et donc de préserver sa souveraineté énergétique. Sa stratégie sur le nucléaire a permis à la France de réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de l’étranger, et de sécuriser son approvisionnement en énergie. La production nucléaire a l’avantage de fournir de l’électricité en continu et est l’une des moins coûteuses, permettant à la France d’avoir un prix d’électricité parmi les plus bas d’Europe.

En revanche, l’Allemagne dépend largement des importations de gaz naturel pour répondre à ses besoins énergétiques. Plus de la moitié du gaz consommé provient de Russie. La guerre en Ukraine et, plus récemment, le sabotage du gazoduc Nord Stream (gazoduc par où la Russie envoie son gaz à l’Allemagne, traversant la mer Baltic) ont à nouveau remis en question ses capacités à être indépendante sur la question de l’énergie et sur sa capacité à faire face aux pressions économiques extérieures.


La demande en électricité augmente d’années en années, notamment en vue de réindustrialiser le pays. Afin de respecter, dans le même temps, nos objectifs écologiques, nous devons utiliser des méthodes de production d’énergie bas-carbone et avoir une consommation électrique raisonnée. Pour préserver sa souveraineté énergétique, et faire face aux enjeux environnementaux, il faut donc se débarrasser des énergies fossiles : tout l’inverse de ce qu’à fait l’Allemagne en se séparant du nucléaire. Lutter contre les énergies fossiles, ce doit être le mot d’ordre plutôt que d’opposer systématiquement, comme le font trop d’écologistes, le nucléaire et les énergies renouvelables.

 

Antonin Hérault

 

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1 réponse à “Sortie du nucléaire : le mauvais exemple allemand”

  1. Kinski says:

    Les partis « écologistes » n’ont rien d’ecologiste. Ce sont des impostures. Ces pseudo écolos sont des climatosceptiques qui ne disent pas leur nom.

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