Anne Hidalgo, le Macron rose

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Alors que la candidature d’Anne Hidalgo vit peut-être ses derniers instants, bientôt devancée par Asselineau, Poutou ou Jean Lassalle, la candidate du Parti Socialiste est en train de conduire le plus grand fiasco de l’histoire de son parti. Ana María Hidalgo Aleu naît en Espagne, à San Fernando, le 19 juin 1959, elle est naturalisée française durant son adolescence, inspectrice du travail de formation, elle devient en 2015 maire de Paris. Elle s’impose depuis comme une figure de poids du Parti Socialiste comme de la vie politique française. Face à l’agonie que connaît le PS depuis 2017 et le lourd échec de Benoît Hamon, son premier secrétaire a fait le choix d’une candidature forte, de rupture, capable de faire triompher la gauche en 2022 : Anne Hidalgo. Ainsi, étrangement, à quatre mois du premier tour de l’élection présidentielle la gauche semble plus faible que jamais. Cette situation est simplement le fruit d’une longue évolution idéologique qui a mené les socialistes français à tout renier jusqu’à tout perdre…


Anne Hidalgo : Une héritière mal fortunée

 

En 2018, lors de l’élection du nouveau premier secrétaire du Parti Socialiste, celui-ci bénéficiait de près de 80% d’opinions négatives dans la population française, un record pour un parti politique. Ce désamour est bien évidemment lié au quinquennat de François Hollande, mais l’échec de celui-ci s’explique par des causes bien plus profondes.

Il faut, comme souvent, remonter 40 ans en arrière. Nous sommes en mars 1983, et face à la mauvaise santé financière et économique de la France, François Mitterrand décide d’une « pause » dans les réformes sociales qu’on appellera le « tournant de la rigueur ». C’est là que commence la parenthèse libérale du Parti Socialiste français, jamais refermée depuis. Le PS a abandonné le socialisme pour la gestion par le marché, la souveraineté nationale pour l’Union Européenne, et les ouvriers pour les professeurs. Depuis, le Parti Socialiste a arrêté de penser pour se soumettre au dogme euro-libéral. La victoire de la « gauche plurielle » sur un coup de chance en 1997 va conditionner la vie du Parti Socialiste durant vingt ans. Considérant que la coalition des diverses tendances était la clé du succès, le parti a volontairement entretenu un flou idéologique qui lui permettait de rassembler le plus largement possible tout en évitant les conflits internes.

Alors que le Front National est devenu le premier parti ouvrier lors des élections présidentielles à-partir de 1995, le Parti Socialiste est progressivement devenu un rassemblement de professeurs, d’intermittents du spectacle, et de professions libérales. Le point culminant de cette tendance est le rapport Terra Nova de 2011 qui marque le triomphe de la gauche bourgeoise. Il explique assez clairement que le parti socialiste devrait changer de discours pour se focaliser sur la nouvelle bourgeoisie urbaine de gauche, progressiste et moderne, abandonnant dans le même temps les vieux réflexes « gauchisants » sur la lutte des classes et le prolétariat, les ouvriers ne comprenant rien aux « nouvelles luttes ».

 

Le rapport terra Nova de 2011 est la triomphe de la gauche bourgeoise, abandonnant la lutte des classes au profit des « nouvelles luttes »

 

Ensuite, tout ce qui suivra sous François Hollande était déjà annoncé, coupé des classes populaires, orphelin de toute référence idéologique, et soumis au néolibéralisme européen, l’échec du Parti Socialiste et sa trahison étaient logiques. Nous nous retrouvons donc en 2017, avec un parti socialiste exsangue, que (presque) tous finiront par quitter. Mais, depuis cinq ans, qu’a fait le Parti Socialiste ?

 

Hidalgo : survivre en milieu hostile

 

Au lendemain de l’historique déculottée électorale infligée au PS en 2017, la « vieille maison » s’est retrouvée mal gardée. Un parti politique peut rassembler des gens de sensibilités politiques très diverses, mais ce qui les réunit avant tout est la volonté de prendre le pouvoir. Or, quand cet espoir s’effondre, c’est le parti qui s’effondre. Ainsi, c’est Olivier Faure, inconnu du grand public qui va reprendre la tête de la vieille maison avec pour ambition de sauver les meubles, même si ceux de Solferino étaient déjà en vente. Tout inconnu qu’il soit, Olivier Faure est un fin stratège, comprenant que son parti était encore trop détesté en 2019, il s’est rangé derrière Raphaël Glucksmann et a tenté de rallier à sa cause les écologistes pour ne pas avoir à faire alliance avec la France Insoumise. Ensuite, la pandémie a totalement rebattu les cartes de la dynamique électorale et les élections municipales de 2020 ainsi que les régionales de 2021 ont confirmé la fameuse « prime au sortant » permettant à nombre de baron socialistes locaux de se maintenir en poste. Malgré sa quasi-disparition au niveau national, le Parti Socialiste reste très implanté au niveau local, avec cinq régions, une soixantaine de grandes villes françaises dirigées par des maires socialistes et les coalitions ont permis au parti de participer aux majorités municipales de grandes mairies (Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Marseille…) et surtout Paris. Le Parti socialiste est donc devenu un parti de cadres avec un vaste réseau d’élus locaux qui souhaitent assurer leur rente politique, ce qui doit nécessairement passer par une candidature les représentant à la présidentielle.

C’est là tout l’intérêt d’une candidature d’Hidalgo, faire perdre la gauche en 2022 pour se positionner en leader de la reconstruction post-présidentielle. En effet, la carrière politique de Mélenchon ne survivrait pas à un troisième échec consécutif à la présidentielle, le PS pourrait ainsi redevenir la « maison commune » de toutes les sensibilités de la gauche. C’est ainsi que le PS a réussi à survivre après 2017, en paralysant la recomposition d’une opposition de gauche unitaire pour assurer sa survie. Force est de constater que cela a bien marché, tout du moins, jusqu’au moment de faire campagne…

 

[Le] PS [est] devenu une force de blocage ayant pour unique objectif de maintenir sa rente politique.

 

Crash imminent…

 

Aujourd’hui créditée de 2% dans les sondages, Anne Hidalgo a annoncé rejoindre la Primaire Populaire, avant de s’en détourner dans un grand moment de cohérence politique. Une fois encore, le but n’est pas de gagner la présidentielle, mais de paralyser la gauche pour éviter de se faire avaler et se placer en pôle position pour 2027. Toutefois, la passionnante analyse des machiavéliques stratégies d’Olivier Faure ne doit pas nous conduire loin de l’analyse du projet de la candidate.

 

Le but n’est pas de gagner la présidentielle, mais de paralyser la gauche pour éviter de se faire avaler et se placer en pole position pour 2027.

 

Concrètement, que contient le programme de Mme Hidalgo ? Premièrement, l’augmentation du SMIC de 20%, jusqu’à 1450 euros net par mois, la limitation des gros salaires (20 fois le SMIC), rehausser la rémunération des professeurs, ainsi que l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage et le maintien de l’âge légal du départ à la retraite à 62 ans.

Ça c’est pour le rose, concernant le vert, la candidate propose d’inscrire dans la Constitution la protection des biens communs et de la biodiversité, le principe de non-régression dans la protection de l’environnement et l’obligation de lutter contre le réchauffement climatique. Elle parle également de “planification écologique”, lexique emprunté à son ancien camarade de parti, M. Mélenchon. Par ailleurs, elle souhaite conditionner les subventions publiques aux entreprises à leur respect de la biodiversité et des normes environnementales, surtaxer les placements liés aux énergies fossiles ou encore instaurer un ISF climatique.

Ce qui se dégage de ce projet c’est d’abord que c’est effectivement un projet de gauche, sans être toutefois très ambitieux. Il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit là que d’un projet et les socialistes sont depuis longtemps les experts de la rupture dans le discours et du conformisme dans les actes, des rebelles de carte postale en somme.

Mais il serait inutile de discuter des heures de son programme car la maire de Paris n’aurait pas les moyens de mener un véritable projet de transformation sociale et écologique. Vu la gravité de la situation, un projet d’émancipation sociale réel nécessite de faire la guerre au système capitaliste dans sa forme actuelle. Or, on ne part pas en guerre sur un cheval souffrant de rhumatismes et avec une épée en bois. C’est pourtant la situation dans laquelle Mme. Hidalgo se trouve, la faute à son parti qui depuis toujours a sacrifié la souveraineté de la France. Si Mme. Hidalgo devait arriver au pouvoir, rien ne changerait, celle-ci étant totalement en phase avec Emmanuel Macron sur la question européenne et sur les questions internationales. Derrière la façade, il n’y a qu’un Macron verni de rose.

 

Vu la gravité de la situation, un projet d’émancipation sociale réel nécessite de faire la guerre au système capitaliste dans sa forme actuelle…

 

Ainsi, si le Parti Socialiste n’est plus qu’un canard sans tête, à l’instar de l’animal, il continue de courir. L’enjeu de ce sujet dépasse largement la personne d’Anne Hidalgo et même le zombie qu’est aujourd’hui le parti socialiste : ce qui est en jeu est la recomposition (ou non) de l’espace politique à gauche pour avoir une véritable opposition unie face à Macron. Plus encore, il est question de bon sens et d’honnêteté politique, combien de temps encore aurons-nous à subir les mêmes discours de façade qui ne sont jamais suivis d’actes ? Dans les deux cas, le Parti Socialiste est l’éléphant au milieu de la pièce, mais au nom d’intérêts politiciens, chacun décide de faire l’autruche et personne ne se décide à nommer le problème. Au fond, ce que la gauche a encore en commun, c’est certainement l’absence de courage politique.

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