Il est l’un des seuls candidats à ne jamais apparaître dans les sondages à la présidentielle. Il n’est jamais invité sur les plateaux de BFM ou de LCI. Il est partisan d’une idéologie, le souverainisme de gauche, qui est invisibilisée au plus haut point. Il a été licencié de son entreprise pour ses idées. Georges Kuzmanovic, candidat à la fonction suprême, mérite (enfin) d’entrer dans la lumière. Portrait.
Il arrive tout sourire face à son ami Michel Onfray. Sur l’estrade du grand amphithéâtre de l’IPAG (école de commerce dirigée par Guillaume Bigot), l’ancien militaire débat pendant deux heures avec le philosophe sur l’avenir de la France dans l’Europe et dans le monde. La synchronisation des évènements prête à sourire. En ce 4 janvier pluvieux, Emmanuel Macron jouit « en même temps » de la présidence française de l’UE et de son mépris des non-vaccinés, qu’il aime « emmerder ». Georges Kuzmanovic, souverainiste résolument anti-UE, du moins de cette Union-là, dévoile point par point sa stratégie pour « briser le carcan européen », selon ses termes. Le colonel de réserve sait qu’il n’y pas un plan parfait, mais que le pire plan est d’en avoir qu’un seul. Lorsque il sera à l’Élysée en mai prochain, Georges Kuzmanovic proposera d’abord un référendum populaire pour que la France reprenne le contrôle sur les grands domaines de son économie (libre-échange, libre circulation des capitaux et personnes…). En résumé, le candidat « veut revenir aux bases du référendum de 2005 » à l’issue duquel les Français avaient majoritairement voté contre la mise en place d’une Constitution européenne (1). Mais « Kuzma » se distingue des autres prétendants par sa proposition de « désobéissance directe aux traités », en particulier sur la question de la dette. Selon lui, il faudra un « audit pout déterminer ce qui doit être remboursé ou non », expliquant que « ce ne sont pas les petits bras des fonctionnaires bruxellois qui nous en empêcheront ». Sécurité, santé, immigration, pour lui le protectionnisme est la mère de toutes les batailles et draine toutes les énergies pour une France meilleure. Une idéologie directement inspirée de sa propre histoire personnelle. Il l’assure, Georges Kuzmanovic n’est pas « un souverainiste en carton comme Marine Le Pen ou Éric Zemmour qui veulent rester dans l’Union européenne ».
Pour les journalistes, nous faisons partie du camp de la "gauche souverainiste et républicaine", mais notre mouvement rassemble aussi bien des gens de gauche que de droite, attachés à la souveraineté nationale et populaire. pic.twitter.com/laRn62ZzK2
— République souveraine (@RSouveraine) January 6, 2022
Djordje de Yougoslavie
Georges Kuzmanovic, Yougoslave de naissance, regrette toujours le démantèlement de sa patrie natale au début des années 1990. Lorsque Stéphane Simon, co-fondateur de Front Populaire et animateur du débat, annonce que l’intéressé est né à Belgrade en Serbie, il coupe court. « Je suis né à Belgrade, en Yougoslavie, et j’y tiens beaucoup. C’était un grand pays, industrialisé et leader avec la France des pays non-alignés durant la guerre froide. Et c’est parce qu’il y a eu des nationalistes stupides, que la Yougoslavie s’est démantelée avec la création de la Bosnie, de la Croatie, de la Serbie etc. Sauf qu’aujourd’hui, seule la Croatie sort la tête de l’eau… » Né Djordje Kuzmanović, le candidat de la gauche souveraine a tenu à rappeler la francisation de son prénom… et non sa zemmourisation. « Que ce soit bien clair, je n’ai pas attendu l’histoire des prénoms d’Éric Zemmour pour m’appeler Georges. Déjà, j’ai eu la chance que mon prénom soit « international ». George en anglais, Giorgio en italien… Et puis je me suis largement inspiré de Missak Manouchian, rescapé du génocide arménien puis résistant français, qui a changé de prénom pour s’appeler Michel. »
« Kuzmanovic ? C’est qui ? »
Arrivé à l’âge de 7 ans en France, diplômé de la Sorbonne et du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology), Georges Kuzmanovic a traversé les partis de gauche de Lutte Ouvrière à la France Insoumise dont il s’exclut en 2019, après des pressions internes. Son tort ? « Avoir publiquement réitéré des propos considérant comme secondaires les luttes féministes et LGBT, alors qu’elles font partie intégrante » du programme électoral, selon LFI. Sa position sur « l’assèchement de l’immigration » a elle aussi fait bondir les militants de Jean-Luc Mélenchon. Face à cette exclusion, l’ancien Insoumis a lancé son parti politique République Souveraine, pour « dépasser les conflits droite-gauche » et « reprendre le contrôle avec de Gaulle et Jaurès ». Au milieu de ce marathon présidentiel, le néo-candidat n’a bénéficié d’aucune matinale sur France Inter ou d’un entretien avec Laurence Ferrari. Michel Onfray, habitué des plateaux télé, a même ironisé sur la situation ubuesque de son adversaire du soir. « J’étais en coulisses avec Ruth El Krief et Arlette Chabot, qui sont quand même deux piliers du journalisme politique français, et je leur ai parlé de Georges, candidat à la présidentielle. Et en plus de ne pas savoir qui il était, elles doutaient de mon information en disant «C’est qui ? Vous êtes sûr ? », et cela m’a sidéré ! ». Dans le néant médiatique, sa candidature à l’élection présidentielle lui vaut une nouvelle exclusion.
Wow!@SolInfoJeuVideo soutient le management version #Über d'@UbisoftFR…le jour de l'entrée en vigueur de la réforme #Macron de l'allocation chômage.
Des champions👏Au fait les #mytho vous n'avez AUCUN représentant syndical à #Ubisoft
Dépôt de plainte en diffamation en cours pic.twitter.com/H67s4ILDP8
— Georges Kuzmanovic 🇨🇵 (@Vukuzman) October 22, 2021
Licencié d’Ubisoft
Georges Kuzmanovic « a fait beaucoup de choses » dans sa vie. Militaire, aide humanitaire, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, il a ensuite porté la casquette de manager chez Ubisoft, développeur de jeux vidéo. Après huit ans de bons et loyaux services, « Kuzma » est licencié pour « faute grave » où il lui est notamment reproché d’avoir installé une « ambiance de travail sexiste et dégradante », et avoir tenté de « manipuler » la direction d’Ubisoft (2). « Je ne vais pas m’étendre là-dessus, cette affaire concerne Ubisoft et moi-même… d’autant que je suis certain de gagner aux prud’hommes (rires) ! Plus sérieusement, je suis resté 8 huit ans là-bas et j’ai été licencié 10 jours après la déclaration de ma candidature… » explique-t-il face à Michel Onfray. « Ce qui m’a davantage surpris, c’est que je n’étais pas un cas isolé. Jean-Frédéric Poisson par exemple avait lui aussi été licencié lorsqu’il s’était présenté à la mairie de Rambouillet. Finalement, cette histoire a vraiment été un point de bascule pour continuer de me battre avec République Souveraine. » Georges Kuzmanovic en a profité pour rappeler le déclin démocratique de notre pays et l’augmentation de ce type de licenciement abusif.
À trois mois du premier tour, Georges Kuzmanovic n’a toujours pas reçu les 500 parrainages, mais dépasserait les 300. À gauche, les partisans d’une primaire populaire seraient bien inspirés d’inviter le colonel de réserve, à la fois dans un souci démocratique, mais surtout pour voir un candidat proposer de nouvelles idées auprès de concurrents tous convertis à l’européisme social-démocrate.
Clément Labonne
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1 réponse à “Georges Kuzmanovic, le grand exclu de 2022”
Le seul candidat intéressant et le plus républicain exclu de cette élection : très révélateur ! Mais pas surprenant.