« L’annulation de la dette crée un problème là où il n’y en a pas » – Entretien avec Edwin le Héron
Professeur des universités à Sciences Po Bordeaux, Edwin le Héron est un économiste spécialiste des questions monétaires. Auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, tels que À quoi sert la Banque centrale européenne, nous l’interrogeons sur l’annulation de la dette liée à la pandémie de la covid-19, à laquelle il s’oppose clairement dans le contexte actuel.
Gavroche : Récemment, la question de l’annulation de la dette des États membres de l’Union Européenne détenue par la Banque Centrale Européenne s’est invitée dans le débat public à travers la publication de plusieurs tribunes d’universitaires. Dans une contribution récente sur le site des Echos vous vous êtes opposé à cette proposition, pourquoi ?
E. le Héron : Pour beaucoup de raisons, la principale étant le timing : je trouve que ce n’est vraiment pas le bon moment pour en discuter, même si c’est une question intéressante et qu’il faut s’interroger sur le financement de la transition écologique. Toutefois, traiter de ces questions de long terme, uniquement via le prisme de l’annulation de la dette me semble une erreur préjudiciable pour les objectifs des signataires de ces tribunes. Comme le disait le fameux économiste Shadock, « quand il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème ». Avec cette tribune c’est l’inverse : ils proposent une solution à un problème qui n’existe pas. C’est ce que j’ai essayé de montrer dans une tribune parue dans Le Monde et signée par plus de 80 économistes, principalement de gauche et liés au courant post-keynésien. Aujourd’hui, la BCE fait tout et même plus, elle va au-delà des traités, pour que la dette ne soit pas un problème, on ne peut donc pas ne pas la rembourser, ce ne serait pas fair play.
Ensuite, ce n’est pas le bon timing car beaucoup en Europe ne sont pas d’accord avec cette politique de la BCE et voudraient qu’elle revienne à une politique orthodoxe. Or, l’annulation de la dette serait pour eux le meilleur argument afin de justifier un retour à l’orthodoxie. On mettrait donc en grande difficulté la BCE qui garantissait une politique monétaire très expansionniste favorisant des taux d’intérêt très bas. De plus, il n’y a pas de problème de dette aujourd’hui, car son coût diminue. En effet, la dette n’est pas un problème de stock mais de flux, il ne faut pas fétichiser le ratio dette/PIB. En 1995, le ratio dette/PIB était d’à peine 55%, pourtant, le coût de la dette s’élevait à plus de 6,9 % du PIB car les taux d’intérêt étaient très élevés. Vers 2011, ce coût de la dette est descendu à 3,3% grâce aux politiques menées en Europe après la crise de 2008. Aujourd’hui, il est à 1,3% alors que le ratio dette/PIB est passé à 120%. C’est le coût qui compte, et sur cette question la BCE nous sauve en acceptant des taux d’intérêt très bas et en achetant massivement des titres, ce qui nous permet de bénéficier aujourd’hui de taux négatifs. Les banques ont en effet été arrosées de monnaie Banque Centrale avec le quantitative easing, c’est pourquoi elles acceptent aujourd’hui d’acheter des bons du trésor à échéance de 10 ans à -0,3% (taux de janvier 2021). Ensuite, la BCE rachète ses titres à -0,25 % et refinance les banques en subventionnant ces dettes publiques. La BCE en fait énormément, plus que toutes les autres banques centrales. Si vous annulez une partie de la dette (25%, soit la part de la dette des États détenue par les banques centrales, ndlr.), tous les détenteurs privés de la dette vont s’inquiéter et perdre confiance, les taux vont ainsi remonter, c’est tendre le bâton pour se faire battre.
La dette française est aujourd’hui de 2700 milliards d’euros, une baisse des taux d’intérêt de deux points comme on l’a connu ces dix dernières années, représente des économies de 54 milliards, c’est considérable. La BCE nous donne aujourd’hui d’importantes capacités budgétaires que nous n’aurions pas autrement, il faut continuer à faire baisser le coût de la dette, donc il est urgent de ne rien faire. Quant à ces 2700 milliards de dettes, la moitié est détenue par des agents privés du reste du monde qui n’accepteront pas de s’endetter à des taux pareils pour un État qui annule sa dette, non, ils demanderont des primes de risque, ce qui fera immédiatement augmenter son coût. L’échéance de la dette française est aujourd’hui en moyenne à 8 ans, si on enlève les 500 milliards liés au Covid qui seraient annulés, il reste 2200 milliards à lever sur les marchés. Sur ce montant, 50% sont détenus par le reste du monde, 18% par des compagnies d’assurance française, donc les ménages français, il est alors impossible de ne pas rembourser cette partie. 8% est détenu par les banques qui l’ont aussi revendu aux ménages français. Une hausse de la prime de risque sur les marchés coûterait immédiatement très cher à l’État, 27 milliards pour 1 %.
Il faut continuer à faire baisser le coût de la dette, donc il est urgent de ne rien faire.
Enfin, il est vrai que 25% est détenu par la banque centrale, ce qui est pourtant interdit, dont environ 22% par la Banque de France. La BCE a racheté les dettes souveraines, via les banques centrales nationales, l’État français se doit donc de l’argent à lui-même, il n’y a donc pas d’intérêt à supprimer cette partie de la dette, c’est un jeu à somme nulle. Annuler la dette est alors inutile et nous ferait perdre la confiance des détenteurs privés qui acceptent de nous financer à des taux très faibles, alors que l’inflation est de 1,7% ces vingt dernières années en Europe pour une cible de 2%. Émettre comme en janvier une dette à cinquante ans à 0,59%, c’est voir cette dette se faire manger par l’inflation.
Outre ces arguments économiques, on oublie trop souvent que l’euro est une monnaie européenne et que la France ne décide pas seule. Il est vrai que les traités sont mauvais, mais on ne peut pas les changer tout seul. Par ailleurs, on ne peut pas annuler notre dette auprès de la BCE, pour ensuite lui demander de nous prêter cet argent à nouveau pour la transition écologique. La dette actuelle est nécessaire et utile pour sauver l’économie française et européenne, face à la pandémie, il n’y a pas le choix. Il faut donc une décision européenne là-dessus, mais si on doit discuter de l’annulation de la dette, ce sera plus tard. Cela s’appelle d’ailleurs faire défaut, c’est ce qu’a fait la Grèce en 2011 et, suite à cela, on lui a imposé des mesures d’austérité d’une violence sans précédent, ce qui n’a fait qu’aggraver le poids de la dette de fait de la contraction du PIB. Pour éviter cela, il est urgent de ne rien faire.
Émettre comme en janvier une dette à cinquante ans à 0,59%, c’est voir cette dette se faire manger par l’inflation.
Gavroche : L’annulation de la dette est-elle un mécanisme nouveau ? Y a-t-il des précédents historiques ?
E. le Héron : Oui, il y a des précédents historiques qui ont eu lieu dans des situations dramatiques. C’est pourquoi l’annulation de la dette envoie un très mauvais signal au marché. On n’a jamais vu l’annulation d’une dette dans une situation sous contrôle, vouloir annuler la dette signifie qu’on a perdu le contrôle. Un exemple récent est celui de la Grèce, 50% de la dette grecque a été annulée, cela a provoqué un cataclysme, les taux d’intérêt sont montés à 35%, il n’y avait plus aucune confiance dans le pays. À l’époque, Jean-Claude Trichet, président de la BCE, avait racheté de la dette Grecque alors que les allemands y étaient totalement opposés. Lors de cette annulation, la BCE n’a pas perdu d’argent car elle a été la seule à ne pas subir le cut de 50%, elle a conservé la dette grecque qu’elle possédait à sa valeur… mais n’en exigera jamais le remboursement. La BCE a reconduit la dette grecque à chaque fois, mais on ne peut pas demander la même chose au marché. Quand la dette arrive à échéance, on émet une nouvelle dette, on la fait « rouler », la dette fait partie de l’histoire. La Grèce a annulé une partie de sa dette héritée d’une période frauduleuse, ils n’avaient pas le choix. Par la suite, cela a entrainé des politiques d’austérité très récessives, c’est ce qui arrive quand on fait défaut sur sa dette. L’annulation de la dette ne permettra donc pas d’éviter le retour des politiques d’austérité, au contraire.
Un exemple caractéristique et souvent cité par les partisans de l’annulation de la dette est le cas de l’Allemagne lors du traité de Londres en 1953. Tous les pays occidentaux ont signé et une bonne partie de la dette allemande a été annulée. Elle a fini de rembourser le reste à la fin des années 1980. Cela a été fait pour éliminer la partie de l’histoire allemande liée au nazisme et pour permettre la construction d’une nouvelle Allemagne à l’Ouest. Un autre exemple est celui de la Russie, Boris Eltsine prend la tête de la Fédération de Russie après la fin de l’URSS et reprend la dette des tsars de 1917, abandonnant ainsi l’histoire de l’URSS pour renouer avec celle de la Russie. La dette, c’est de l’histoire. Dernier exemple, lors de la révolution française, la dette de la monarchie commençant dès François Ier a été maintenue, même si elle a été mangée par l’inflation. L’annulation de la dette renvoie à des situations exceptionnelles, pour effacer une partie de l’histoire, cela ne correspond pas à notre situation actuelle, on ne construit pas le futur en oubliant le passé.
La dette, c’est de l’histoire.
Gavroche : Un des arguments des partisans de l’annulation de la dette est que cela permettrait de financer la transition écologique, les investissements européens étant trop faibles depuis plusieurs années. Jugez-vous le plan de relance de 750 milliards d’euros annoncé cet été par la commission européenne suffisant ? Qu’en est-il du plan de relance français ?
E. le Héron : J’ai là aussi tendance à penser que ce n’est pas le bon timing, on essaie aujourd’hui de sauver un appareil productif à l’arrêt à cause de la pandémie. La transition écologique est un phénomène schumpetérien de destruction créatrice de long terme qui doit être commencée quand on aura repris le contrôle de l’économie, ce n’est pas le moment de reconstruire un tout nouveau système productif quand tout est à l’arrêt. Les plans de relance annoncés sont avant tout des couvertures de survie pour une économie en hibernation, quand cela sera fini, on pourra penser au monde de demain. Je suis d’accord, qu’il faudra faire des choix importants au redémarrage, mais nous sommer encore en totale léthargie, il y a eu une chute de 10% du PIB, contre 2,5% lors de la crise de 2008, nous ne sommes pas encore capables de traverser une crise de nature schumpétérienne. Il faudra produire moins, faire des choix décisifs dans le financement de la transition écologique, mais attendons le bon moment, quand l’économie aura redémarré. On ne demande pas à un malade alité dans le coma sous perfusion, de commencer à faire de l’exercice physique intensif et un régime.
Gavroche : La crise sanitaire que nous connaissons depuis un an désormais a engendré une crise économique et sociale sans précédent, la BCE doit-t-elle être l’instrument pour financer la reconstruction de l’Europe ?
E. le Héron : En temps normal, je répondrais non. Ce n’est pas aux banques centrales de prévoir le monde de demain et de financer la transition écologique, c’est aux gouvernements et au pouvoir budgétaire. La relance doit être budgétaire et menée démocratiquement par les États, pas par les banques centrales. Toutefois, à l’heure actuelle, il n’existe pas de budget européen fédéral, pas de Trésor européen, pas de vision européenne de l’avenir, contrairement à la Chine qui a un plan très précis. Il y a actuellement un vide budgétaire au niveau européen, mais 17 budgets dans la zone euro, le budget européen doit être voté à l’équilibre et est limité à 1% du PIB, alors qu’aux États-Unis, ils en sont à 25 ou 28% du PIB avec un déficit à 14 ou 15% de déficit en 2020. Toutefois, la seule institution économique fédérale que nous avons en Europe, c’est la BCE, c’est la seule à pouvoir agir, ce qu’elle fait est déjà très bien. D’après mes calculs, la baisse des taux d’intérêt a permis à la France de gagner 40 à 45 milliards d’euros, soit une marge financière importante qui pourrait financer en partie la transition écologique.
La relance doit être budgétaire et menée démocratiquement par les États, pas par les banques centrales.
Un autre problème est qu’au sujet de la transition écologique, tout le monde est d’accord pour agir, mais personne ne sait vraiment sur quoi. Par exemple, les désaccords sont nombreux sur le nucléaire, la France utilise beaucoup le nucléaire alors que l’Allemagne a renoué avec des centrales à charbon. Quant aux éoliennes, idem, personne n’est d’accord dessus. Pour les panneaux solaires, on est dépendant de la Chine et leur vieillissement est très rapide. La question essentielle de l’énergie est donc encore loin d’être tranchée. L’Union Européenne n’a aujourd’hui pas de réponse, la BCE permet déjà d’éviter une crise des dettes souveraines et donne des capacités de financement aux États. Une troisième chose que peut faire la BCE est ce que fait Christine Lagarde, en menant une politique qualitative en favorisant le financement vert, de projets permettant la transition écologique. Par exemple, la BCE pourrait financer à -1% ou -2% les crédits, ce qui équivaudrait à une subvention de ces politiques. En tant que post-keynésien, je plaide pour une politique qualitative de la monnaie depuis longtemps, ce qui compte n’est pas la quantité de la dette ou de la monnaie, mais la qualité des titres que l’on possède. Si Christine Lagarde souhaite mener une politique qualitative, il faut définir les actifs verts. Mais ce n’est pas le seul outil de la transition écologique, la BCE aidera, mais, en dernier, ce seront les banques qui octroieront les financements ou non. Il faut donc, en Europe, inventer un véritable projet, comme De Gaulle avec la planification indicatrice, on se fixe des objectifs et on aide tous les pays qui souhaitent les remplir. On adopte une véritable fiscalité écologique, notamment aux frontières. Actuellement, on renforce les normes écologiques imposées aux entreprises, ce qui est très bien, mais face à cela, elles délocalisent, polluant bien plus dans les pays où elles s’implantent, puis vendent leurs produits en France, ce qui fait qu’un consommateur français aujourd’hui a une empreinte écologique bien plus élevée qu’il y a 15 ans, alors qu’en Europe, on a réduit les émissions de CO2. Il faut donc de vraies décisions politiques issues d’un processus démocratique, la BCE doit accompagner les États. Je reste ainsi fidèle à Keynes, la politique monétaire doit accompagner la politique budgétaire décidée par l’État de façon démocratique.
Un consommateur français aujourd’hui, a une empreinte écologique bien plus élevée qu’il y a 15 ans.
Gavroche : Pensez-vous que ces politiques non-conventionnelles sont amenées à devenir la norme en Europe ? La BCE pourrait-elle sérieusement arrêter ses mesures de soutien à l’économie ?
E. le Héron : D’une certaine manière, ces politiques non-conventionnelles sont déjà un peu la norme, elles étaient censées durer six mois, mais elles sont en place depuis 2008, ce n’est plus une exception. Il est aujourd’hui impossible pour la BCE de faire marche arrière, la moindre remontée des taux d’intérêt serait fatale aux États face à l’endettement actuel. Je dirais que ces politiques vont durer encore au moins dix ans. En tout, cela aura duré au minimum 20 ans, soit le temps d’une génération, c’est une nouvelle norme. Cependant, je suis d’accord, c’est une norme non assumée, on continue à dire qu’on ne devrait pas faire ça, les théoriciens dominants de la nouvelle école keynésienne ou de la nouvelle école classique sont en désaccord avec ces politiques. Personnellement, en tant que post-keynésien, je n’ai pas de problèmes avec ce qui est fait actuellement, car c’est avoir une approche qualitative de la monnaie, loin de la neutralité de la monnaie ou du financement par l’épargne. C’est admettre que la monnaie est un enjeu politique, qu’elle est endogène et liée à la production. Simplement, je plaidais cela dans des périodes normales, pas pendant une telle crise. Là, c’est la crise qui a forcé les tenants de l’orthodoxie à mener ces politiques non conventionnelles pas une conversion théorique. C’est pour cela qu’ils en font peut-être un peu trop, car ils n’y avaient jamais vraiment réfléchi, ils ont pas mal improvisé.
Ils se retrouvent aujourd’hui un peu piégé, car avec des taux d’intérêt négatifs, l’épargne n’est plus rémunératrice, les rentiers euthanasiés. Il va donc y avoir de vrais problèmes de financement de retraites, comme en Allemagne. De plus, la moindre remontée des taux va provoquer une crise obligataire énorme, donc ce type de politiques menées jusqu’au bout peuvent provoquer de graves crises financières demain. Actuellement, on n’a pas de problèmes d’inflation, donc on n’a pas à durcir ces politiques, mais elle revient déjà un peu aux États-Unis avec les taxes imposées par Donald Trump. Comment mener une politique monétaire anti-inflationniste à taux zéro? La relocalisation dans le cadre de la transition écologique pourrait mettre fin à cette désinflation induite par la mondialisation, les banques centrales devraient donc à nouveau lutter contre l’inflation, remonter les taux et brider l’économie. C’est un danger, qu’on n’a pas encore en Europe, mais auquel il faut faire attention. Les banques centrales s’occupent d’inflation, de stabilité financière, mais désormais, aussi de la relance économique en faisant des politiques budgétaires. Il est difficile de remplir tous ces objectifs à la fois, une remontée des taux d’intérêt serait très dangereuse, les politiques actuelles très généreuses créent en réalité les risques d’une crise et d’une instabilité financière à moyen terme.
Il est aujourd’hui impossible pour la BCE de faire marche arrière, la moindre remontée des taux d’intérêt serait fatale aux États face à l’endettement actuel.
Gavroche : Ces nouvelles politiques monétaires ne risquent-elles pas à terme de créer des blocages avec nos homologues allemands et néerlandais ? Comment envisager le futur de la zone euro ?
E. le Héron : C’est une question très importante, nous ne sommes pas seuls en Europe, l’euro et la politique monétaire nous obligent à écouter et respecter les autres. Il y a des zones de blocage aujourd’hui, le problème de la non-rémunération de l’épargne qui pose des problèmes à de nombreux pays, surtout l’Allemagne, en cas de retour de l’inflation liée à la hausse des coûts de production engendrée par la transition écologique, les pays du Nord forceraient la BCE à lutter contre. Il y a aussi le problème de la dette publique, plus important au Sud qu’au Nord, la Finlande ou les Pays-Bas ont des taux d’endettement bien plus faibles et sont totalement opposés à une annulation de la dette. Si la politique actuelle est favorable aux pays du Sud, les pays du nord pourraient vouloir quitter l’Union monétaire.
Il manque aujourd’hui d’unité et d’ambition européennes, je pense qu’il faut plus d’Europe, mais les tensions politiques actuelles vont plutôt dans le sens inverse. On voit clairement aujourd’hui une montée du nationalisme politique qui s’accompagne d’un sentiment anti-européen, aussi bien à droite qu’à gauche. Le Brexit est un signe fort de cela, les pays de l’Est ont des trajectoires dissonantes. Il est donc nécessaire que l’Europe originelle, des six (France, Allemagne, Italie et Benelux) fasse bloc sur un projet politique commun et ambitieux. Angela Merkel est encore à la tête de l’Allemagne, il est tout à fait possible de discuter avec elle, comme avec Mario Draghi en Italie, mais ils ne sont plus soumis aux ordres de Paris. Il faut écouter ce que l’Allemagne a à nous dire, elle a toujours été favorable à renforcer l’intégration budgétaire européenne, contrairement souvent à la France. Autrefois, on avait un modèle d’intégration particulier, avec une Europe qui avançait, se construisant en provoquant des crises qu’elle résolvait en approfondissant son intégration. Aujourd’hui, le discours tend à l’inverse, on entend que puisque l’Europe est en crise, il faut donc détruire l’Europe. Il est clair que des pays comme la France ne peuvent trouver une solution aux grands défis de demain tout seuls, et je suis assez pessimiste sur les évolutions politiques en cours.
Propos recueillis par Pierre de Chabot
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