Le démantèlement d’EDF est toujours sur les rails

Une centrale nucléaire d'EDF
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Le député PS Philippe Brun, rapporteur spécial de la commission des finances auprès de l’assemblée nationale, s’est rendu deux fois à Bercy ces derniers temps pour contrôler les documents traitant de l’avenir d’EDF. Son rapport révèle que le démantèlement d’EDF, récemment rachetée, est toujours envisagée par l’État, en contradiction avec les discours du gouvernement. 


Un rachat attendu

Le projet de rachat d’EDF, initié le 4 novembre et à hauteur de près de 10 milliards d’euros, s’inscrit dans une volonté (d’apparence en tout cas) de reprendre en main EDF. Il consiste à acquérir la totalité des actions d’EDF, dont le gouvernement détient déjà 84%. Ce rachat doit permettre de réinvestir le nucléaire si on en croit Gabriel Attal, interpellé par le rapporteur. Elle se fait attendre depuis que les effets des sanctions économiques contre la Russie se font sentir, mais aussi après un été particulièrement chaud qui a mis sous le feu des projecteurs le réchauffement climatique.

Le rapporteur a révélé l’existence d’un document datant du 27 juin de cette année révélant que le projet serait toujours d’actualité, contrairement à ce qu’avait prétendu Bruno Lemaire. Seulement un an après l’apparent abandon du projet Hercule, il semblerait que l’exécutif n’y ait pas réellement — surprenamment — renoncé. Au gouvernement, ils ne sont pas à une manipulation près.

Une volonté qui date

Cerise sur le gâteau, Philippe Brun a aussi rapporté l’existence d’un autre document alarmant. Il s’agit d’une note du groupe de travail chargé des négociations avec la Commission européenne sur les tarifs régulés d’électricité. On retrouverait dans cette note quatre scénarios proposés à propos de l’avenir d’EDF (sans plus de précisions sur leur teneur), et tous impliquent un démantèlement d’EDF — vraisemblablement après son rachat.

L’hypothèse du démantèlement est tout à fait concordante avec la récente nomination à la tête d’EDF de Luc Rémont. Or, il fut un des acteurs de la vente d’Alstom à la tête de la filiale française de Bank of America Merryll Lynch. En effet, ce dernier avait conseillé le gouvernement lors de la vente de la branche énergie d’Alstom au groupé américain General Electrics.

Des choix politiques douteux

Cette volonté de brader EDF n’est pas nouvelle, et ce, pour nous obliger à une concurrence in fine déloyale. En témoigne le fonctionnement du marché européen de l’énergie, foncièrement parasitaire.

La loi NOME de 2010 fait qu’EDF est obligée de brader son électricité. Elle doit en effet la vendre à très bas prix aux fournisseurs indépendants, à perte, pour satisfaire aux velléités bruxelloises et capitalistes de « concurrence loyale ». Ce mécanisme baptisé « ARENH » (Accès Réglementé à l’Énergie Nucléaire Historique) consiste à faire réserver un quart de sa production nucléaire à EDF pour la fournir aux revendeurs concurrents à un prix bien moindre. Ces revendeurs ne produisent rien et n’ont pour utilité toute relative que de diversifier l’offre de forfaits d’électricité, ce dont une politique étatique responsable pourrait se passer.

Le problème est que ces concurrents ne peuvent pas forcément couvrir toutes leurs demandes par EDF. Ils sont donc obligés, en plus d’acheter pour trop peu à EDF, d’acheter à un prix plus fort sur le marché européen — c’est l’écrêtement.

Ajoutons que la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie) n’hésite pas à obliger EDF à augmenter ses prix pour permettre aux concurrents de ne pas se faire battre par EDF dont les prix sont « trop » avantageux. Elle promet aussi par ailleurs d’exposer les consommateurs à des prix davantage soumis au marché.

Un exemple d’euro-servilité

On comprend dès lors que l’explosion des prix de l’électricité est due aussi bien à la situation géopolitique qu’à des choix politiques douteux. Les sanctions contre la Russie ont bien joué sur les prix de l’électricité, du fait de l’assèchement de l’approvisionnement en gaz de l’Europe, mais elles ne lui sont pas entièrement imputables. En effet, cette augmentation est aussi due à l’entretien du réseau. Or, cet entretien est compliqué par la loi NOME : du fait de la vente d’une partie de son électricité à prix réduit, EDF ne fait pas assez de rentrées pour entretenir efficacement son réseau. En plus de l’entretien du réseau, l’absence de politique nucléaire pendant des décennies sous la pression des écologistes n’a pas aidé à renouveler le parc nucléaire pour des centrales plus performantes, qui auraient abondé le marché français mais aussi européen.

Enfin, Bruxelles avait encouragé le démantèlement d’EDF par le projet Hercule. Une logique européenne double est à l’œuvre. Premièrement, une logique réglementaire due gonflant les prix. Et deuxièmement, une volonté interne de démanteler EDF au nom du libre marché, soutenue par l’UE. Au bout du compte, les Français sont perdants dans les deux cas.

 

Nathan Petrovic

 

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