Localisme et alimentation durable au cœur du salon de l’agriculture

Tanguy Lacroix
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La 59e édition du salon international de l’agriculture s’est tenue Porte de Versailles, du 25 février au 5 mars 2023. Durant une dizaine de jours, plusieurs centaines de milliers de personnes ont arpenté les huit pavillons d’exposition pour aller à la rencontre des plus de 1000 exposants présents pour mettre en valeur leur filière. Parmi les thématiques mises en avant cette année, on retrouvait le « consommer local » et la volonté de garantir une agriculture durable qui prend en compte l’aspect écologique et la souffrance animale.


Développer les circuits courts pour une agriculture plus durable

La très grande majorité des acteurs rencontrés sur ce salon font le constat commun de l’indispensabilité de développer les circuits courts dans un double objectif : sanitaire et environnemental. Corinne est engagée au sein de l’association « Bleu Blanc Cœur », qui rassemble plusieurs milliers d’agriculteurs qui prônent un changement de nos modes de production agricole, pour encourager des modes de consommation plus vertueux.

Tanguy Lacroix
Des arguments de vente modernes chez « Bleu Blanc Cœur ». Crédit photo : Thomas Rannou / Gavroche

« Chez Bleu Blanc Cœur, on est bien conscient que tout le monde n’est pas en capacité de produire une agriculture biologique. C’est pour cela qu’on cherche à proposer des alternatives, en réintroduisant en France des cultures d’intérêts nutritionnels qui permettent d’allonger des rotations, la captation du carbone par les sols, l’amélioration de la vie dans le sol et la réduction des intrants chimiques », explique-t-elle. « On lutte contre l’utilisation d’huile de palme pour nourrir les animaux d’élevage et on supprime progressivement le tourteau de soja d’importation dans les rations des animaux, pour privilégier des légumineuses cultivées sur le territoire ». En outre, l’objectif de Bleu Blanc Cœur est simple : améliorer les conditions d’élevage des animaux pour améliorer la qualité des produits. Pour l’association, pas de doute, cela passe le localisme avec le développement des circuits courts et la diversification des systèmes de cultures. Naturellement, cela passe par davantage de protectionnisme.

Consommer mieux… mais moins

« Consommer moins mais mieux », c’est ce que prône Interbev, l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, qui rassemble les principaux acteurs de la filière bovine. Cela peut paraître surprenant, mais elle aussi loue la croissance du flexitarisme, c’est-à-dire une consommation de viande qui n’est pas quotidienne, mais seulement occasionnelle. Comme bleu, blanc, cœur, Interbev insiste avant tout sur la qualité.

Tanguy Lacroix
Meuh. Crédits photo : Thomas Rannou / Gavroche

Angèle, qui anime le stand, déplore le fait que les agriculteurs français doivent faire face à des normes extrêmement strictes, quand dans le même temps « on passe notre temps à importer de la viande industrielle dégueulasse de l’autre bout du monde, qui elle n’est pas soumise à ces mêmes normes ». Selon elle, il s’agit de « concurrence déloyale », qui explique pourquoi le métier d’agriculteur n’attire plus : « le nombre d’agriculteurs a été divisé par 4 en moins de 50 ans, il ne représente à peine plus d’1% des emplois en France, mais surtout, il n’attire plus les jeunes. Dans ce secteur, on ne connaît ni les week-ends, ni les vacances, et il y a un agro-bashing permanent, alors que notre seule volonté, c’est de produire de la qualité ». C’est avec la prise en compte de ces paramètres que l’association incite à consommer moins, en adoptant un régime flexitarien. Ce type de comportement permettrait de d’ailleurs aux consommateurs d’accéder à des produits de meilleure qualité et produits localement, voir issus de l’agriculture biologique.

C’est d’ailleurs le choix que semblent être en train de prendre les Français au fil des années. En effet, selon la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), la consommation de viande par habitant en France a diminué d’environ 12% entre 1990 et 2018. Selon une étude menée par Harris Interactive, les principaux motifs invoqués par les Français qui ont décidé de réduire leur consommation de viande sont sanitaires (43%), bien-être animal (35%) et économique (33%) et écologique (33%). Cette même étude révèle aussi que 58 % des répondants ont affirmé que pour eux, le premier critère d’achat est la provenance locale ou du moins française.

Un peu plus loin, c’est le stand de Danone qui a retenu notre attention. Là encore, le message est le même : œuvrer pour le bien-être animal et pour la préservation de l’environnement, afin de garantir une alimentation durable. C’est-à-dire garantir d’être en capacité de nourrir les êtres humains en qualité et en quantité suffisante, aujourd’hui et demain, tout en garantissant le respect de l’environnement. Timothée, présent sur le stand, affirme que l’action de Danone se déroule autour de 3 piliers : « le bien-être animal, l’accompagnement des agriculteurs et la préservation de sols », qui ensemble forment un cercle vertueux pour l’agriculteur et le consommateur.

Tanguy Lacroix
Même les gros de l’industrie agro-alimentaire s’y mettent. « greenwashing » ? Crédits photo : Thomas Rannou / Gavroche

À l’heure où les importations agricoles et agroalimentaires françaises représentent un total supérieur à 20 % de l’alimentation nationale, soit le double d’il y a vingt ans, il paraît plus indispensable que jamais de mettre en valeur l’agriculture locale. Mais cette quête s’avère bien difficile tant que les différents accords commerciaux, dans lesquels nous sommes engagés, permettent de faire entrer sur le territoire des produits tout droit venus d’Amérique du Sud ou d’Asie, pour lesquels abstraction est faite des normes imposées à nos agriculteurs (directive nitrates, loi sur l’eau, respect des conditions d’utilisation des pesticides, etc). Il est intéressant de constater que les producteurs français se sont emparés des thématiques qui touchent bon nombre de Français, comme l’environnement et le bien-être animal. Peut-être serait-il temps, pour leur permettre de mener à bien ces projets, d’instaurer un réel protectionnisme agricole.

 

Thomas Rannou


Vous pouvez retrouver ici notre entretien sur « l’impitoyable industrie agro-alimentaire » avec l’éleveur Philippe Grégoire.

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