Raphaël Glucksmann, de gauche ? Vraiment ?

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On le présente partout comme l’espoir de la gauche pour les élections européennes : Raphaël Glucksmann est l’homme qui ressuscitera le PS. Mais ce n’est certainement pas le socialisme qu’il fera renaître dans ce parti mourant.


Tous les jours. Tous les jours, un nouvel article pour nous parler de Raphaël Glucksmann et de sa progression dans les sondages. Cet éléphant a une chance de dépasser Valérie Hayer (Renaissance) aux élections européennes ! Puis, on nous vend déjà un combat entre Glucksmann et Bardella, oubliant presque que les élections européennes sont à la proportionnelle et qu’elles ne sont pas les élections présidentielles…

Comment croire encore aux sondages quand on sait à quel point ils réussissent à se tromper : les « candidats des médias » sont toujours surestimés. Cependant, la réalité électorale est souvent différente.

Et quand bien même Glucksmann réussirait à réunir suffisamment de voies pour se retrouver au coude-à-coude avec le RN, cela ne dit rien sur l’avenir politique : les élections européennes sont boudées par les français – 50 % de participation en 2019 – et ne représentent ainsi en rien le paysage politique du pays.

Un passé libéral et néoconservateur

S’il est vendu comme un homme de gauche, on ne peut ignorer ses racines libérales et sarkozystes. En 2006, il est investi par Alternative libérale – un parti politique atlantiste et libertarien – pour être candidat aux élections législatives de 2007. L’année suivante, il était présent à un meeting de Sarkozy. Dans cette période, il est aussi contributeur de la revue néoconservatrice Le Meilleur des Mondes, connue pour son soutien indéfectible aux Etats-Unis et à leur guerre en Irak.

En 2009, il devient conseiller officiel et ami de Mikheil Saakachvili – conservateur, libéral et atlantiste – alors chef d’État Géorgien. Raphaël Glucksmann lui sert alors d’intermédiaire avec Nicolas Sarkozy et invite le président géorgien à rejoindre l’Union européenne et l’OTAN.

Mikheil Saakachvili et Georges W. Bush. Brendan Smialowski / Getty Images

Quel bilan pour Mikheil Saakachvili ? Torture d’opposants, répression politique, racket d’Etat… Après un exil aux Etats-Unis, il purge aujourd’hui une peine de 8 ans en Géorgie. Étonnante fréquentation quand on sait que Raphaël Glucksmann se revendique être un amoureux des droits de l’homme.

Bien sûr, on peut évoluer dans son parcours politique. On peut tous faire des erreurs. Mais aujourd’hui, il est de gauche, non ? Toujours pas. Il a beau s’être éloigné officiellement des courants du libéralisme classique, il est loin d’être devenu un homme de gauche, encore moins un socialiste.

Europhilie et néolibéralisme

S’il y a bien une chose qui est resté chez Glucksmann : c’est son europhilie sans limites. Pour lui, il faut absolument élargir l’UE. Au sujet de l’adhésion de l’Ukraine dans l’Union européenne, il déclarait :

Si vous votez pour nous, nous soutiendrons l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Si vous êtes farouchement hostile à cette adhésion, je vous propose de voter pour la liste du RN.

Tant pis pour les délocalisations et surtout : merci patron ! Glucksmann dit vouloir taxer les super-riches, mais à l’échelle européenne. Il n’est quasiment pas possible d’obtenir une taxe de la sorte dans toute l’UE, et il le sait très bien. La Commission européenne (l’organe exécutif de l’Union européenne) a le monopole de l’initiative législative, c’est-à-dire qu’elle est seule à pouvoir proposer les nouvelles lois (directives, règlements), et que les députés européens n’y ont qu’un droit d’amendement. Il doit donc réunir un million de signatures citoyennes, dans le cadre d’une « initiative citoyenne européenne (ICE) », afin que la Commission européenne soit tenue de s’intéresser au sujet, tout en conservant le choix de refuser la demande si elle la juge inappropriée.

Note de lecture : les adjectifs « européen(s) » ont été retirés pour plus de clarté ; les citoyens européens peuvent faire une proposition législative à la Commission (ICE) mais cette dernière est en capacité de rejeter la rejeter si elle la juge inappropriée

Ensuite, les 27 pays membres de l’Union européenne doivent se mettre d’accord, de manière unanime, puisque la Commission européenne a des compétences limitées en matière de fiscalité. En somme, un coup d’épée dans l’eau. Pourtant, il a fait de cette mesure un pilier de son engagement : il compte résoudre le problème de la crise agricole ou de la pauvreté grâce à cela.

Sur le terrain de l’inaction, il est un professionnel. En février, il proposait d’arrêter Macron en le mentionnant en commentaire et en partageant son post.

Images 2/3 et 3/3 d’une publication de @raphaelglucksmann sur Instagram, 5 février 2024.

Assez honteux de profiter d’une question sur les violences contre les femmes pour grossir son nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux. La sincérité de son engagement laisse planer le doute sur la sincérité de son intention. Il faut le reconnaître, il se prononce en faveur de progrès sociaux et écologiques. Mais à quoi bon, quand on refuse de combattre le libéralisme exacerbé d’une Union européenne qui appauvrit les travailleurs français et exploite les travailleurs étrangers – d’Europe de l’Est et d’ailleurs – à force de délocalisation et de traités de libre-échange. Sans réelle conviction, on peut proposer ce que l’on veut, cela ne changera rien au problème fondamental de l’UE.

L’espoir du parti socialiste ?

Le virage social-démocrate du Parti socialiste et son abandon du socialisme ne font plus aucun doute depuis bien longtemps. A chaque fois qu’il a été au pouvoir, sous Mitterrand, Jospin ou Hollande, il n’a fait que se soumettre aux logiques capitalistes. Il n’a pas fallu longtemps à Hollande pour que d’ennemie, la finance ne devienne son phare. Alors que le mouvement de Raphaël Glucksmann, Place Publique, n’est représenté que par 2 députés européens sur les 79 attribués à la France, ce dernier se révélerait aujourd’hui l’espoir de la gauche, l’homme qui fera revivre le parti socialiste. Une renaissance socialiste au sein du parti… socialiste ? Non, une renaissance faussement de gauche, incapable de remettre en cause cette Union européenne. S’il est vu comme le nouvel espoir à gauche par les médias, c’est surtout parce qu’ils y voient un homme prêt à renier l’héritage socialiste du parti pour une action tiédasse contre le Capital et un soutien sans faille à leur Europe néolibérale. Glucksmann affirmait lui-même que « le PS doit mourir ».

Dans le Parti socialiste, Glucksmann a vu une bonne occasion de nourrir son image « de gauche ». En 2016 dans un tweet, il écrivait :

S’il n’était pas une bonne machine à investitures pour professionnels de la politique, le PS aurait implosé depuis longtemps #AubergeEspagnole

Voilà un nouveau professionnel de la politique qui vient chercher à séduire les électeurs de gauche un peu perdus. Il n’est l’espoir du parti socialiste que par ceux qui ont abandonné le socialisme, ou par ceux qui ont trouvé confort dans l’organisation mondiale actuelle.


Si Raphaël Glucksmann est autant médiatisé, c’est parce qu’il est le candidat d’une « gauche » qui ne dérange pas. Il est l’incarnation du tournant social-démocrate d’un Parti socialiste plus tellement socialiste.

Derrière tout son vernis progressiste se cache un libéral incapable de remettre en question l’Union européenne et qui encourage sans cesse son extension pour mieux délocaliser, pour mieux exploiter les travailleurs. Non, Raphaël Gluksmann n’est pas de gauche.

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1 réponse à “Raphaël Glucksmann, de gauche ? Vraiment ?”

  1. KAMEL M. says:

    Le mot « gauche » ayant été totalement vidé de son sens depuis les années 80…Les impostures sont devenues la norme.
    Le pire, c’est que Rafael Glucksman croit peut-être lui-même être « de gauche » !

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