Toutes égales devant l’accès à l’IVG ? Pas vraiment

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Le 28 septembre 2024, à l’occasion de la journée mondiale pour le droit à l’avortement, plusieurs rassemblements se sont tenus en France. Dépénalisé en 1975 grâce à la loi Veil, ce droit est devenu constitutionnel en mars 2024, une première mondiale. Si d’un point de vue législatif l’accès à l’IVG est protégé, qu’en est-il concrètement pour les Françaises ? Reportage.


Des moyens insuffisants malgré la constitutionnalisation

Ce samedi 28 septembre, plusieurs manifestations ont eu lieu pour défendre le droit à l’IVG dans un contexte politique particulier. L’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement conservateur, avec trois ministres ayant voté contre la constitutionnalisation de l’IVG, a ravivé les inquiétudes. Bien que le Premier ministre Michel Barnier ait assuré mi-septembre que le droit à l’avortement serait maintenu, la question des moyens alloués aux centres d’IVG reste en suspens. Ces centres dépendent fortement des subventions publiques, et les récentes annonces de réduction des dépenses publiques laissent planer le doute. Une manifestante ironise :

« On doit faire plus avec moins, quel progrès ! »

Un accès inégal à l’IVG en France

Si la constitutionnalisation de l’IVG a été saluée comme une victoire, la réalité de son accès sur le terrain est bien différente. Lors de la manifestation, des drapeaux du Planning familial flottaient, et plusieurs voix s’élevaient pour dénoncer le manque de moyens. Une femme témoignait : « C’était un moment historique, mais aucun budget supplémentaire n’a été alloué, alors que les besoins augmentent ». Un tract du parti des Travailleurs souligne :

« Certes, une femme rencontrant des difficultés dans son département pourra invoquer la Constitution pour obtenir une IVG… Et après ? »

Les inégalités d’accès à l’IVG sont particulièrement criantes dans les zones rurales, où le manque de centres et de professionnels de santé restreint fortement les possibilités pour les femmes de se faire avorter. Le rapport parlementaire de 2022 souligne que la fermeture de nombreuses petites maternités a accentué ces disparités, rendant l’accès à l’IVG encore plus compliqué dans ces territoires.

De fait, l’offre de soins est loin d’être équitable à l’échelle nationale. Le manque de praticiens et de centres spécialisés dans les régions rurales constitue un obstacle majeur à l’accès à l’IVG. Selon une enquête du Monde, entre 2007 et 2017, pas moins de 70 centres d’IVG ont fermé, la plupart en raison des fermetures de petites maternités.

« Les femmes vivant en zones rurales sont particulièrement affectées par le manque de professionnels de santé », alerte le rapport parlementaire sur l’IVG rédigé par Marie-Noëlle Battistel (PS) et Cécile Muschotti (LREM) en 2020.

Tranches de délais régionaux d’IVG en 2019 entre la demande d’IVG et la réalisation de l’acteSource : Direction générale de la santé du ministère des solidarités et de la santé

Même dans les grandes villes, les délais pour obtenir un rendez-vous sont souvent trop longs. En Nouvelle-Aquitaine, par exemple, il faut attendre 11 jours en moyenne pour une consultation, bien au-delà des cinq jours recommandés par la Haute Autorité de Santé.

« Obtenir un rendez-vous dans les temps relève souvent d’un parcours du combattant. »

Les obstacles liés à la clause de conscience et les femmes hors délai

Un autre obstacle majeur à l’accès à l’IVG reste la clause de conscience, qui permet aux professionnels de santé de refuser de pratiquer cet acte. Pour Nathalie Bajos, sociologue, cette clause pose problème : elle donne l’impression que l’IVG est un acte toléré, et non un droit pleinement reconnu. « Le maintien de cette clause de conscience semble tout droit sorti d’un autre temps, poussiéreux et inadapté. », critique-t-elle.

Les conséquences de ces difficultés sont dramatiques pour certaines femmes. Chaque année, entre 3000 et 4000 femmes dépassent le délai légal de 16 semaines d’aménorrhée et doivent se rendre à l’étranger, notamment en Espagne ou aux Pays-Bas, pour avorter. Ces démarches, non remboursées, génèrent des coûts supplémentaires importants, en plus des frais de déplacement et d’hébergement.

Manifestation pour le droit à l’IVG à Paris, le 28 septembre 2024 / Poppy

Un parcours semé d’embûches pendant le confinement

Le premier confinement de mars 2020 a également montré la fragilité de l’accès à l’IVG en temps de crise. La fermeture de 70 centres du Planning familial a entraîné une explosion des appels au numéro vert. Beaucoup de femmes se sentaient coupables de demander une IVG alors que le système de santé était sous tension. Le professeur Yves Ville, de l’hôpital Necker, rappelle que la reconnaissance de l’IVG comme une urgence sanitaire a été un combat durant cette période.

« Faire reconnaître l’IVG comme une urgence sanitaire en période de crise a été un défi de taille. »


Comme le disait Simone de Beauvoir : « Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante. » L’inscription de l’IVG dans la Constitution ne suffit pas à garantir son accès pour toutes. Seule une vigilance permanente, accompagnée de moyens concrets, peut permettre de préserver ce droit.

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