Chaque soir, cette forêt rassemble plus d’une centaine de prostituées transgenres et attire une large clientèle, dont des marginaux. Cet univers malfamé porte en lui son lot de violences.
Ce soir, Maria* remue ses fesses nues dans le froid pour attirer les passants. Elle en voit à peu près une dizaine par nuit. « Beaucoup de clients volent l’argent, les sacs ou essaient d’agresser » se lamente-t-elle avec un fort accent brésilien. Le week-end dernier, un homme l’a frappée et lui a volé son téléphone. « La police passe… mais seulement passe regarder, c’est tout » désespère-t-elle en quelques mots.
Rackets récurrents
De la musique sud-américaine résonne au milieu des arbres, dont certains portent des guirlandes lumineuses. Trois femmes dansent en tenue légère au milieu de l’herbe humide, souriant aux hommes. Derrière cette façade festive, elles font part de leurs inquiétudes. « On reste ensemble pour éviter un problème. Quand on va avec quelqu’un dans la forêt, on va pas trop loin, explique Eva*. Pour éviter le vol, il faut donner l’argent avant le sexe. Mais y a des gens qui veulent reprendre l’argent après, c’est compliqué. Et y en a qui sont méchants car ils ont trop bu. » Une dizaine de mètres plus loin, un homme titubant vomit contre un arbre.
Au bord de la route, des camionnettes blanches sont garées. On les reconnait à leurs guirlandes et leurs rideaux. L’un des véhicules appartient à Sabrina* qui fait de l’œil aux potentiels intéressés. « Dans mon sac, il y a ça, dit-elle en montrant un spray lacrymogène d’autodéfense. Il y a déjà eu quelqu’un qui m’a attaquée pour me voler l’argent. J’avais laissé le sac dans la voiture. Alors je suis montée dans la voiture et j’ai fermé la porte. »
Transphobie
Celles qui se prostituent dehors, pour quelques dizaines d’euros, représentent la part la plus marginalisée de cette activité qui aujourd’hui se pratique davantage via des sites Internet. Presque toutes les prostituées du bois sont transgenres et étrangères. En plus de l’insécurité due aux rackets, il faut ajouter la transphobie. Sur le trottoir, Yasmina* attend qu’une voiture s’arrête. « Parfois il y a des gens qui insultent, ou des voitures qui s’arrêtent, mais qui veulent juste rigoler de nous, parce qu’on est trans. »
De rares poursuites judiciaires
Si la plupart des prostituées ne portent pas plainte par crainte d’être expulsées faute de papiers, quelques affaires plus graves sont traduites en justice. Elles laissent un traumatisme dans tout le Bois de Boulogne. « Il y a eu une qui a été tuée » rappelle Sabrina, pour évoquer le meurtre par arme à feu de Vanesa Campos, en 2018, sur fond de racket et de transphobie, par un gang de dix hommes, dont un mineur. Le procès en appel de cinq de ces prévenus s’est déroulé en mars dernier. Les deux principaux auteurs ont été condamnés à 17 et 14 ans de réclusion criminelle.
En juin dernier, un automobiliste a été condamné à quatre ans de prison ferme pour avoir renversé une prostituée, Jessyca Sarmiento, en roulant à 140km/h. Les clients peuvent aussi être victimes de rackets. En 2021, sept individus ont été mis en examen pour des extorsions violentes régulières envers des clients.
Cette insécurité s’ajoute à un contexte social déjà compliqué pour toutes les prostituées. Le manque d’action de l’État pour les protéger ou les sortir de leur situation ne semble pas évoluer depuis plusieurs années.
Tanguy Lacroix
* Les prénoms des personnes citées ont été modifiés pour des raisons d’anonymat.
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2 réponses à “Au Bois de Boulogne, les prostituées face à l’insécurité”
Non seulement pour les Prostituées mais…la France est aujourd’hui un endroit extrêmement dangereux pour les femmes en général. L’Europe est devenue un coupe gorges et les femmes (voire les fillettes comme Lola) en sont les premières victimes. En Russie (le pays du diable !!!) ou du moins à Moscou et Saint Petersbourg une jeune femme peut tranquillement se balader le soir en jupe sans craindre d’être agressée. Au Japon, c’est à peu près vrai la même chose. Dans notre merveilleux « Monde Libre » , ce ne serait pas trop conseillé…
Pour revenir à l’insécurité que vivent les Prostituées en France, il faut également prendre en compte que les mesures anti prostitution du gouvernement précédent non seulement n’ont pas amélioré la situation des Prostituées mais l’ont rendue encore pire. Tant en terme de précarité financière et que d’insécurité. Les autres gouvernements européens agissent de manière plus subtile et ont mis en place des législations beaucoup plus en phase avec la réalité du terrain. On a les gouvernements qu’on mérite.
« Du gouvernement précédent »…Rectification : de la précédente majorité présidentielle (quinquennat Hollande)