Disparition du référendum : où est passée la voix du peuple ?

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DIX-HUIT ANS, voilà plus de dix-huit ans que le peuple français n’a pas été appelé aux urnes pour s’exprimer via référendum. Cet outil d’expression démocratique, pourtant consacré par l’article 3 de la Constitution — « La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » — a aujourd’hui totalement disparu, pourquoi cette absence ? 


Quand le référendum s’efface

Le 4 octobre 1958, la Constitution de notre Ve République est adoptée ; avec celle-ci, un subtil équilibre entre démocratie représentative et démocratie directe est institué. Hélas, ce subtil équilibre, que d’aucuns qualifieraient de précaire, ne survivra pas au départ de son concepteur le général De Gaulle.

Alors qu’en l’espace de 10 ans, De Gaulle convoqua le peuple à quatre reprises pour des consultations électorales, ce même nombre ne sera atteint que quarante ans après son départ. Autrement dit, sous la présidence de De Gaulle, il y eut 4 référendums en 10 ans, tandis que ses successeurs n’en organisèrent que 4 en 40 ans

Mais que s’est-il donc passé ? Pourquoi la pratique du référendum est-elle peu à peu tombée en désuétude ? Le peuple n’a-t-il plus envie d’être consulté, ou nos gouvernants sont-ils trop frileux pour oser lui demander son avis ? D’après un sondage BVA pour RTL réalisé fin 2023, il semble que ce ne soit pas un manque d’intérêt des Français pour la démocratie participative qui ait amené à cette disparition de la pratique référendaire :  

« 88% des Français sont favorables à des référendums sur les sujets de société »

Dès lors, la chose est claire : si ce n’est pas un manque d’intérêt des Français pour la chose publique qui est à l’origine de cette disparition du référendum, alors c’est bel et bien la pratique démocratique qu’ont les gouvernants de nos institutions qui a diminué. Si De Gaulle n’hésitait pas à recourir au référendum quand il le fallait et à y engager sa responsabilité, force est de constater que ses successeurs ne lui ont pas emboîté le pas. Désormais, et c’est ce que explique très bien l’historien Pierre Serna dans son dernier ouvrage “L’extrême centre ou le poison français” : 

« Les institutions fonctionnent pour mettre le peuple hors de la politique »

Le « NON » qui changea tout

Mais le divorce ne s’est véritablement acté que le 29 mai 2005. Alors que les Français étaient invités à s’exprimer par référendum pour approuver ou non l’établissement d’une Constitution pour l’Europe, ils eurent le « malheur » de dire non sans se douter que ce refus allait les priver de tous référendums à l’avenir.

Si jusqu’ici les Français ne s’étaient pas opposés à la construction européenne — la France ayant ratifié par voie référendaire les traités de 1972 et 1992, respectivement sur l’élargissement de la Communauté économique européenne et sur la ratification du traité de Maastricht — le « non » au traité de Rome II prendra en revanche toute la sphère politico-médiatique de court. Désormais, il ne sera plus question pour le peuple de s’exprimer sur des sujets si importants. Valéry Giscard d’Estaing avait pourtant mis en garde les Français lors d’un entretien accordé au journal Le Monde le 5 mai 2005 : 

« C’est une bonne idée d’avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui »

Mais qu’à cela ne tienne, deux ans plus tard, voilà que le traité de Lisbonne — conçu pour remplacer le traité constitutionnel — est adopté, mais cette fois-ci sans passer par la voie référendaire, Valéry Giscard d’Estaing réaffirmant à ce propos :« Dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. Seul l’ordre a été changé dans la boîte à outils ».

Gouverner sans le peuple

Finalement, la chose est dite : nos politiciens reprennent de facto le célèbre aphorisme de Bertolt Brecht : « Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple ».

Si le peuple n’est pas assez éclairé pour comprendre ce qui est ou non dans son intérêt, pourquoi dès lors prendre le risque de le consulter ? Pourquoi dès lors recourir au référendum ? Pourquoi dès lors perdre du temps à user de tous ces outils démocratiques mis à leur disposition, alors qu’il existe des mécanismes de contournement permettant d’éviter toute intervention du peuple français dans les affaires publiques ? Après tout, pourquoi s’intéresser à ce que pensent les Français ? Pourquoi, puisque « [La France] n’est qu’un petit bout de l’Europe » ?

C’est tout du moins ce qu’a affirmé sans aucune honte le député MoDem Frédéric Petit à l’Assemblée le 29 novembre 2023 pour justifier l’adoption, via le traité de Lisbonne en 2007, des mesures prévues par le traité établissant une constitution pour l’Europe, alors même qu’elles avaient été refusées par les Français lors du référendum de 2005 ; le comble pour un homme censé représenter le peuple au sein de l’ironiquement nommé Mouvement Démocrate (MoDem).

Malgré tout, des voix s’élèvent

Mais quand bien même nos gouvernants refusent d’avoir à nouveau recours au référendum sous prétexte que celui-ci ne serait pas en capacité d’exprimer correctement la volonté populaire, voire de formuler une décision raisonnable et éclairée — tout du moins, c’est la principale critique qu’on lui adresse, observe la politiste Laurence Morel —, des voix s’élèvent.

Ainsi, les Gilets Jaunes en 2017 et 2018 firent entendre la leur. Parmi leurs principales aspirations s’inscrit une volonté, celle d’« aspirer à jouer un rôle plus démocratique et moins ponctuel que dans l’isoloir ».

Et ce, notamment par l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne, l’une des revendications majeures des Gilets Jaunes ayant pour objectif de permettre au peuple de jouer un rôle plus important dans notre démocratie. Une proposition à laquelle les Français semblent être plus que favorables. Ainsi, selon une étude Harris Interactive pour RTL :

« 80 % des personnes interrogées se disent favorables à ce type de référendum pour proposer une loi, 72 % pour abroger une loi, 63 % pour mettre fin au mandat d’un élu, et même 62 % pour modifier la Constitution”


Dès lors, qu’adviendra-t-il ? Le gouvernement entendra-t-il ces plaintes ? Prendra-t-il conscience, comme a su théoriser Rousseau en son temps, que le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice ?

 

Pierre Cazemajor

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1 réponse à “Disparition du référendum : où est passée la voix du peuple ?”

  1. Meliane Mansour says:

    A partir de 2005, les personnes lucides ont commencé à comprendre que nous ne sommes plus en démocratie. La démocratie est par définition incompatible avec le totalitarisme européiste. Pas de souveraineté, pas de démocratie : Ursula von der Leyen est ou une autocrate ou une dictatrice mais une démente ayant beaucoup de sang sur les mains.
    Et si l’on y réfléchit (Europe ou pas) des sociétés où la désinformation médiatique pratique la négation du réel et l’inversion du réel 24 h sur 24, où les tabous sociétaux et linguistiques empêchent toute vraie liberté d’expression publique sont plus proches de l’Oceania de 1984 que de la démocratie. Pour revenir au référendum celui-ci est inutile tant qu’on est dans l’UE : celle-ci ne tolère en effet aucune contestation et « efface » les référendums ou les élections qui lui déplaisent.

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