Le célèbre journaliste Serge Halimi, citant le philosophe Paul Nizan, avait réactualisé l’expression de « chiens de garde ». Ce terme a été utilisé à l’époque pour désigner les intellectuels à la botte de l’ordre établi. Cette expression, malheureusement, est toujours d’actualité.
Femme à chat
Ceux qui n’ont pas une mémoire trop courte se souviendront de la façon dont les médias présentaient Marine Le Pen avant la dernière élection présidentielle. Elle nous était présentée comme présidentiable, voire sympathique. On peut reprendre, par exemple, son histoire de diplôme d’éleveuse de chat relayée par Paris Match (propriété de Lagardère). Gala (propriété de Bolloré) aussi avait rapporté qu’elle avait obtenu une portée de chats. On est loin de la diabolisation qui suivra.
Le ton a changé avec l’approche du premier tour, et s’est détérioré avec ses résultats. On a assisté à un nouveau type de critique portant sur les problèmes économiques. Par exemple, cet entretien accordé par Libération au président du Medef. On y comprend les inquiétudes du grand syndicat patronal à l’égard du programme de Marine Le Pen. On peut aussi trouver l’utilisation d’une étude de l’essayiste en économie Nicolas Bouzou pour descendre son plan d’amortissement de l’inflation des prix de l’énergie. Cette insistance sur l’économie est assez inédite, et s’est peu vue par le passé. Cette étude montrait par ailleurs de nombreuses faiblesses. N’oublions enfin pas de préciser que Nicolas Bouzou est un macroniste convaincu…
Des affaires de gros sous
Cette même méthode de critique s’est retrouvée parmi les nombreux reproches faits dans les médias à la NUPES. Le même président du Medef, invité par Europe 1, s’est aussi plaint du programme de la NUPES, le jugeant « inapplicable ». Les médias de la social-démocratie se sont lourdement acharnés sur la nouvelle alliance de gauche. Que ce soit en ce faisant le relai d’un rapport de Terra Nova (ceux qui avaient demandé au PS d’abandonner les classes populaires) tout en rajoutant des petites remarques austéritaires crasses ou en titrant un de ces éditoriaux « Il faut faire barrage à Mélenchon » de Bernard Heny-Lévy, on retombe sur des méthodes de diabolisation inefficaces mais éculées.
Cependant, même des journaux plus sérieux comme Marianne se sont « médiocrisés ». En témoigne un fameux communiqué de la société des rédacteurs de Marianne. On pouvait y lire que la une du numéro qui précédait le deuxième tour des élections présidentielle avait été changée à la demande du principal actionnaire. Ce dernier est un milliardaire tchèque de Daniel Kretinsky.
NUPES-bashing
Ce basculement s’explique de manière simple. Les points communs que l’on pourrait trouver entre la NUPES et le RN ne sont pas d’ordre programmatiques, mais d’ordre situationnels. Si la NUPES est attaquée, c’est bien sûr parce des signaux forts ont montré qu’elle représentait une menace substantielle pour le pouvoir macroniste, quitte à essayer de l‘abaisser en tournant au ridicule. Ce « bashing » accompagne des déclarations délirantes à propos de Jérôme Guedj, cadre de la NUPES. Dernier déboire en date, Aziz Zemouri, du Point, dénonçait une affaire totalement fantasmée à propos d’une soi-disant femme de ménage du couple Corbière-Garrido. Finalement, cette histoire, qui prétendait que ces derniers l’auraient exploitée et sous-payée, a été démenti par les principaux intéressés et par Etienne Gernelle, directeur du Point. Tout cela nous montre bien que la NUPES est le nouvel ennemi à abattre.
Bien sûr, les Français ne sont pas dupes. Déjà une enquête internationale effectuées par Ipsos avait montré à quel point les français n’ont aucune confiance envers les journalistes. Afin de conclure, j’invite nos lecteurs à visionner le film de Serge Halimi, « Les nouveaux chiens de garde« , un rare exemple de vrai journalisme en France.
Nathan Petrovic
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