Université d’été du PCF : le retour du parti des travailleurs

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Du 25 au 27 août, l’université d’été du parti communiste français s’est tenue à Strasbourg. L’événement a réuni un millier de membres du parti. Cela a été l’occasion pour les militants de participer à plusieurs ateliers, conférences, débats et rencontres. Une ambiance studieuse, sérieuse mais aussi assez joyeuse était au rendez-vous. Un moment de réflexion partagé qui permet de prendre la température du parti, l’occasion de voir élus et militants, jeunes et vieux, venant de la France entière, réunis.


Un nouvel espoir ?

Le parti communiste a, depuis 40 ans, subi de sévères revers. Des bastions locaux ont été perdus, comme à Calais, en Île-de-France avec la perte de la Seine-Saint-Denis en 2008, ou plus récemment avec la perte du Val-de-Marne face à la droite en 2021. Le parti a aussi connu une saignée démographique, passant d’un demi-million d’adhérents dans les années 80 à 41.000 revendiqués en 2021. Les raisons de ce déclin sont multiples, entre cadres mal aimés et considérés comme socio-traîtres, des décisions stratégiques jugées désastreuses, une ligne idéologique s’émoussant pour fureter avec le centre-gauche, ainsi que les années à se diluer derrière un front de gauche doté d’un bilan peu convaincant. En somme, des années de perte de repères pour le plus vieux parti de France.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Ce qui saute aux yeux, c’est l’enthousiasme des militants. Ils croient à la reformation du parti, une sorte de retour après la tempête. Le parti communiste serait en phase de transition avec un secrétaire général, Fabien Roussel, qui la représente bien : la majorité du parti le soutient en restant critique sur certains points. Les jeunes et les anciens essayent de revenir à une ligne « réellement » socialiste, dans un PCF qui se doit de revenir sur le devant de la scène politique sans se cacher derrière le reste de la gauche et du centre gauche, en restant indépendant. Plus que ça, revenir dans le quotidien des gens et dans le monde du travail. Ce genre d’événement est l’occasion pour ces militants de revenir sur les tenants et aboutissants de leurs luttes, et discuter des décisions à prendre pour progresser. L’enjeu semble surtout de s’engager dans une ligne idéologique dans la lignée historique du parti communiste français.

Une emphase sur les jeunes

Dans un contexte où le PCF a des fédérations et sections vieillissantes, avec pour certains endroits une moyenne d’âge dépassant les 60 ans, la question de la jeunesse se révèle essentielle. Dans la section de Nîmes, la moyenne d’age n’est pas en dessous de la cinquantaine et les militants de moins de 25 ans se comptent sur les doigts d’une main. Rajeunir le parti s’avère de ce fait un enjeu primordial, car un parti du troisième âge ne peut plus parler aux actifs et est voué à péricliter.

C’est là que la JC trouve son rôle. L’organisation politique dirigée par les jeunes, pour les jeunes, prend ses propres décisions. Malgré cette indépendance vis-à-vis du parti, elle s’en veut complémentaire et porte sa voix en son sein. Elle entend parler aux jeunes dans les milieux actifs et surtout universitaires. Depuis l’élection d’Assan Lakehoul au poste de secrétaire général, qui a d’ailleurs fait l’ouverture de l’université d’été, la JC annonce 15 000 membres avec des recrutements encourageants depuis le début de l’année. Dans plusieurs départements de France, des antennes des JC ont pu renaître récemment. Encore une fois dans le Gard, plusieurs jeunes de la ville d’Ales ont formé une antenne qui avait disparu pendant des années. Par la force des choses, les JC deviennent l’une des organisations politiques de jeunesses les plus influentes. L’avantage du MJCF est aussi la motivation de ses militants.

Outre cela, une nouvelle génération de jeunes entre au parti, après les désertions des décennies précédentes, apportant son lot d’idées neuves, à même de faire progresser le parti. Il y a un rajeunissement avec une perfusion de sang neuf, tout en gardant les générations des anciens qui ont l’expérience de la lutte et « tenu la baraque » pendant plusieurs années. A cette image, d’après les communistes assidus aux universités d’été, il y aurait une grande augmentation de la proportion de jeunes, ouvrant un partage intergénérationnel au sein du parti.

Des questions posées sans ambages

Les débats au sein du PCF ont été loin des polémiques du moment, contrairement à ceux de ses partenaires LFI et EELV, empêtrés dans le scandale Médine. Plusieurs ateliers ont été proposés aux militants. Il était notamment question de la souveraineté, du travail et des conditions sociales et matérielles. Ont été développées des propositions consensuelles au parti, sur l’action de l’État contre l’inflation, l’augmentation des salaires pour y faire face, ou encore la réindustrialisation du pays et sur la nécessité de rendre le travail émancipateur. Historiquement le parti des travailleurs, le PCF ambitionne de reconquérir les classes populaires perdues par la gauche au bénéfice de l’abstention et de l’extrême droite.

Outre ces questions, il y a eu un point d’honneur sur la souveraineté, notamment de la lutte contre l’impérialisme en soutenant les peuples qui en sont victimes, mais aussi en France, notamment en luttant contre la délocalisation des moyens de production. Fabien Roussel a d’ailleurs fait polémique sur cette question lors de son allocution avant le banquet du samedi. Comme à leur habitude, les adversaires de gauche du PCF n’ont pas manqué de tiquer sur la formule « frontières ouvertes en France », une nouvelle occasion de s’indigner à moindre frais. Loin des attaques et des récupérations, le propos portait sur la délocalisation des moyens de production, de la libre circulation des capitaux, du monde de la finance, qui domine la mondialisation capitaliste. A l’inverse de la position droitière que l’on prête au PCF sur l’immigration, le parti prône un traitement humaniste, une intégration véritablement prise en charge, et la régularisation des travailleurs étrangers. Cela va-t-il déjà trop loin dans le rouge-brunisme ?

À plusieurs mois de l’élection du parlement européen, la liste du PCF, avec en tête d’affiche Léon Deffontaines, ex-secrétaire général des JC, est déjà prête. La question d’une liste commune avec la NUPES, qui sera tranchée par un vote des adhérents dans deux mois semble déjà trouver une réponse négative, tant pour les militants que pour les cadres du parti. La vision de l’Union Européenne développée dans ces universités d’été est assez complexe : les valeurs du communisme induisent chez les militants un euroscepticisme modéré, voire un rejet viscéral pour certains. Pour les cadres du parti, on ne peut ni vouloir une Europe fédérale, où le pays se diluerait comme chez EELV, mais on ne peut pas non plus la quitter ou la détruire en étant imbriqués dans la mondialisation. La position du PCF est de rester conscient que l’Union Européenne est un outil du capitalisme mondialiste, et de le rejeter, mais qu’on ne peut nier que c’est un lieu de pouvoir, où l’entrisme permet d’y porter sa voix. La ligne du PCF est de rendre l’UE plus sociale et de lutter contre son influence et son expansion tant qu’aucune autre solution n’est trouvée. Cependant, les avis des militants sont plus divergents : pour certains il faut tenter de la réformer, pour d’autres la quitter, ou encore la transmuter pour une union sociale avec des institutions démocratiques.


En somme, ces universités d’été 2023 du PCF montrent un parti en ébullition, qui cherche à revenir sur le devant de la scène, qui développe ses idées et ses positions, dans un retour aux sources progressif. Les militants, dont une frange de jeunes motivés, sont particulièrement déterminés. Le phénix renaît-il de ses cendres ?

 

Johan Lamoureux

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