Le nucléaire, cet ami qui nous veut du bien

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Leurs unes ont fait le bonheur des professeurs d’éducation aux médias. Le 11 mars 2021, dix ans après la catastrophe de Fukushima, Le Figaro vante l’énergie nucléaire face à Libération, plus pessimiste sur le sujet. Sur France Inter, le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon veut une « écologie de rupture et sortir du nucléaire avant 2030. » quand Emmanuel Macron déclare que « l’atome doit continuer d’être un pilier pour les décennies à venir. » Le passé face au progrès, l’atome face aux énergies renouvelables, une France face à l’autre. Le tsunami et l’explosion japonaise sont encore dans toutes les mémoires, pétrifiant un regard négatif sur l’énergie nucléaire tout au long de la décennie 2010. Seulement, l’atome, longtemps critiqué revient en force dans le débat irrespirable de la réduction des gaz à effet de serre (GES).


Une histoire française

Nous sommes le 28 septembre 1956. Le site industriel nucléaire de Marcoule (Gard) voit le jour pour faire entrer la France dans une nouvelle ère. Les projets de réacteurs et les premières recherches sur le nucléaire civil et militaire ont lieu entre les murs du centre. Cette nouvelle forme  d’énergie symbolise la souveraineté française et devient une priorité du président de la République Charles de Gaulle. Le Général entame alors à grandes enjambées cette voie et les années 1960 marquent l’émergence du nucléaire dans les foyers français avec la construction de six réacteurs entre 1963 et 1971 (Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux, Bugey). Dans une nation où l’on se chauffe et s’éclaire grâce au charbon et aux énergies fossiles, l’atome entre en scène et modernise le secteur de l’énergie à vitesse grand V jusqu’à la fin du XXe siècle. La crise pétrolière de 1973 fait décoller l’atome dans le secteur énergétique français. La part de l’électricité consacrée au nucléaire passe de 8 % en 1973 à 24 % en 1980 (1). Plus de production, moins de main d’œuvre, et des nouveaux procédés permettent aux réacteurs de remplacer les bougies de l’après-guerre. Alors que l’accord de Paris sur le climat a été signé en 2015, le nucléaire apparaît toujours comme l’énergie la moins « décarbonée », c’est-à-dire avec le moins de rejet de CO2, aujourd’hui. L’atome est une spécificité énergétique française. Classé 2e producteur mondial derrière les États-Unis, la France compte 57 réacteurs sur son territoire, soit le premier parc nucléaire au monde. 70 % de l’électricité consommée dans le pays provient de l’atome et offre une stabilité sans égal à ce jour (2). Alors pourquoi de nombreuses voix s’élèvent pour renvoyer le nucléaire dans les abysses ?

 

Mauvaise presse radioactive

Huit raisons sont notamment mises en lumières par le collectif « Sortir du nucléaire », regroupant 900 associations (3). Face aux accidents de Tchernobyl (1986) et de Fukushima, les arguments de santé, sécurité et environnementaux sont évidemment sur le devant de la scène. Ces deux zones sont aujourd’hui sinistrées et peuvent donner raison aux associations anti-nucléaires, tant les conséquences humaines et écologiques des deux explosions sont effrayantes, bien que le bilan de Tchernobyl soit discuté et que l’accident nucléaire de Fukushima en lui-même n’ait fait aucun mort. Il faut néanmoins noter dans le premier cas, la vétusté et l’absence de barrières sécuritaires efficaces (aujourd’hui présentes dans les réacteurs de seconde génération) de l’ancien réacteur soviétique, et dans le second, un séisme puis un tsunami historiquement puissants ayant conduit à l’explosion de la centrale japonaise. Autre danger pointé du doigt, celui des déchets radioactifs. Depuis 1993, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) oblige les pays utilisant l’énergie nucléaire à ne plus déverser leurs déchets dans les mers (4), et à les « stocker » dans des entrepôts à 500 mètres sous terre. Au total, ce sont plus d’un million de mètres cubes de déchets nucléaires situés sous nos pieds, à La Hague (Manche) plus précisément (5). Mais 10 % d’entre eux sont « hautement radioactifs », c’est-à-dire qu’ils représentent un danger bien plus important que les 90 % restants et surtout, ont une durée de vie de 100 000 ans. D’ici à 2030, l’État français prévoit ainsi de « réquisitionner » la petite commune de Bure (Meuse) pour enfouir ses déchets nucléaires pour au moins un siècle. La particularité de cette loi est qu’elle permet aux déchets d’être « réversibles ». Si au bout de cent années ou avant, de meilleures solutions sont trouvées pour recycler ces déchets, alors ils seront déterrés des profondeurs de Bure pour être acheminés ou détruits dans un espace plus sûr. Pour l’heure, stocker les déchets à plusieurs centaines de mètres ne représentent pas de danger à court terme, il en représente même infiniment moins que s’ils étaient entreposés à la surface. Les tragiques explosions de nitrate d’ammonium à Beyrouth en août 2020 en sont le témoin.

 

De nouveaux réacteurs pour moins de déchets

La fermeture du site de Fessenheim (Haut-Rhin) en juin dernier a entraîné autant un tsunami de joie pour « Sortons du nucléaire » qu’une vague d’inquiétudes sociales et environnementales pour les pro-nucléaires. La perte de cette centrale entraînera de facto une augmentation de l’importation en gaz et charbon (allemand notamment) pour pallier le manque. Humainement, 5 000 familles étaient économiquement liés à l’activité du site nucléaire. Pour la déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), Valérie Faudon, cette décision est un « malaise social autant qu’un malaise autour de la pertinence, en pleine urgence climatique, de fermer un moyen de production bas carbone, ceci au sein d’une Europe encore très dépendante de ses centrales à charbon et à gaz. » En France, les réacteurs de deuxième génération (construits entre 1970 et 1998) sont actuellement en service et arrivent en fin de vie. La décennie 1980 a fait naître 43 réacteurs français, dont la durée de vie était alors estimée entre quarante et cinquante années. Nous y sommes, et depuis 2016 EDF a lancé un grand projet de réhabilitation et de rénovation du parc nucléaire français afin d’allonger de « dix à vingt ans » la durée de vie des réacteurs à eau pressurisée (deuxième génération) (6). Mieux encore, l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) a autorisé le prolongement de cinquante années des plus vieux réacteurs tricolores (Chinon, Dampierre, Saint-Laurent-des-Eaux). Si ces opérations sont très coûteuses pour EDF et donc le contribuable, la facture d’électricité française figure toujours parmi les plus basses en Europe. Mais ces chantiers de réhabilitations doivent permettre d’attendre l’arrivée des réacteurs de troisième (EPR) et quatrième générations, enjeux majeurs du XXIe siècle. Depuis 2009, le site nucléaire de Flamanville (Normandie) est censé être doté du premier réacteur EPR (pressurisé européen) en France. Nous sommes en 2021 et l’inauguration n’est pas encore prévue. Une tare, lorsque l’on sait que ce type de réacteur dégage moins de déchets radioactifs, sont plus performants et plus sûrs que leurs grands frères (7). À l’horizon 2040, des projets de quatrième génération sont à l’étude par le CEA (Centre d’Énergie Atomique) pour encore améliorer la gageure liée aux déchets et à la performance électrique de ces mastodontes (8).

 

Le nucléaire apparaît toujours lorsque vous en avez le plus besoin. Les objectifs de la COP 21 ne pourront être atteints sans l’atome. De Bill Gates à John Kerry en passant par Emmanuel Macron (Le Figaro du 11 mars 2021), l’énergie atomique reste, à ce jour, l’alternative la plus solide devant les énergies renouvelables, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial.

 

Clément LABONNE

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