Nîmes, théâtre des rencontres de la souveraineté

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Union des deux rives, dépassement des clivages…, la rentrée des souverainistes s’annonçait constructive en pays gardois. C’est dans la Rome française que deux partis se réclamant de la gauche et de la droite ont décidé de rassembler leurs militants. Georges Kuzmanovic, président du parti République Souveraine et Julien Aubert, à la tête d’Oser La France, ont co-organisé l’événement autour de tables rondes conviant intellectuels, spécialistes et politiques issus d’horizons variés.

L’union des souverainistes est-elle un horizon envisageable ? L’Europe des nations, un horizon désirable ?

Deux petites familles autour de la table

L’événement était placé sous haut-patronage, celui de la première rencontre du CNR, 80 ans plus tôt. C’est près de 400 militants et sympathisants qui ont répondu à l’appel samedi et dimanche dernier, malgré la Coupe du monde de rugby, la venue du pape à Marseille et même les élections sénatoriales. Ils ont été accueillis au Novotel Atria de Nîmes, sous un soleil d’automne radieux, à proximité immédiate des Arènes. Les moments de convivialité se tenaient dans un patio situé non loin de la maison carrée.

La rencontre se tient autour d’un constat unanime, celui de l’abandon progressif de la souveraineté du pays. Les organisateurs de République Souveraine (RS) et d’Oser La France (OLF) avaient prévu une dizaine de tables rondes pour s’entendre autour de valeurs communes. Au programme, la tenue de débats de fond, dans une démarche de transversalité, pour sortir de l’entre-soi. Les partis souverainistes pâtissent depuis longtemps d’un repli groupusculaire asphyxiant. Un frein majeur qui demeure, avant d’être – un jour ?  – à la noce du paysage politique français.

Ces tables rondes ont permis de définir les domaines d’expression du concept de souveraineté, préféré à celui de souverainisme. Parmi les sujets abordés, chose rare, la souveraineté alimentaire a été abordée, des aberrations du salariat agricole, aux Français qui se privent de repas à cause de l’explosion des prix alimentaires. Sujet houleux, quand la droite mettait en doute le fondement de certaines études portant sur les effets des intrants chimiques sur la santé des agriculteurs. D’autres débats ont pu mettre l’ensemble intervenants d’accord sur les constats, au sujet de la souveraineté industrielle par exemple – constat déjà largement revenu sur le devant de la scène nationale, en particulier depuis la crise Covid.

Lors de la soirée festive du samedi soir, les militants auront pu se reconnaître autour des chants familiaux. Ceux de RS ont entonné L’Internationale, suivie de La Marseillaise. Un curieux enchaînement qui laissera les militants d’OLF perplexes. Plusieurs mouvements et collectifs amis avaient par ailleurs été invités à tenir des stands sur les deux jours, proposant tracts et ouvrages à la dédicace, comme l’Union des Jeunes Souverainistes ou le parti bonapartiste nommé L’Appel au peuple.

Julien Aubert et Georges Kuzmanovic, bras dessus bras dessous le 23 septembre 2023. Crédits photo : Cécile Auriol / Gavroche

Rassemblés par des ennemis communs

L’ennemi à abattre est d’abord le macronisme, bâti sur le rêve fédéraliste. Cette rêverie qui a notamment participé à éloigner la réalité des frontières et le « prima de la géographie » énoncé par Régis Debray. Gregor Puppinck, juriste et directeur du Centre européen pour le droit et la justice, a ainsi questionné le rôle de soutien à l’immigration de la CEDH. L’occasion de rappeler que l’Europe est une zone de basse pression démographique et que la laïcité française n’est pas une réponse pertinente face à l’ampleur des questions soulevées par l’immigration. Là encore, peu de divergence entre les invités, qui n’ont pas manqué de faire allusion aux mots du pape et à la dilution de la problématique migratoire en Méditerranée.

Von der Leyen en a aussi pris pour son grade. En bonne défenseure des intérêts atlantistes et allemands, elle n’est autre que l’instigatrice d’un « coup d’État fédéraliste » pour Nicolas Dupont-Aignan, président du parti Debout la France. Des propos à l’effet cathartique. Guillaume Bigot dit que « l’Union européenne est un mythe incapacitant ». Pour les intervenants, les réponses ne sont plus à chercher dans l’incroyable technicité du fonctionnement de l’Union européenne et de son Parlement. Ils en appellent à une véritable « libération mentale », hors des carcans des institutions supra-nationales.

Marie-Françoise Bechtel et Henri Guaino lors de la conférence « le souverainisme peut-il transcender le clivage gauche/droite ? » Le 24 septembre 2023. Crédits photo : Antonin Hérault / Gavroche

Des fiançailles faites pour être rompues

L’union souhaitée des souverainistes est déjà menacée, alors la France connaît une crise aiguë sur de nombreux plans. L’historien René Girard avait bien énoncé que c’était « la violence et non pas le politique qui recompose la société ». Lors de la dernière table ronde sur la question du dépassement du clivage gauche/droite, Charlotte Girard, enseignante chercheuse en droit public et ancienne responsable du programme de LFI, parle de la souveraineté comme l’histoire d’un rapport de force. « La souveraineté se conquiert, se confisque, mais ne se perd pas. » Elle alerte sur le fait que ce ne seront pas les partis qui feront les prochains choix de la nation, puisqu’ils ont trahi la mission historique qui leur a été donnée. Henri Guaino, ex-conseiller de Charles Pasqua et de Philippe Séguin, rappelle que les élites sont celles qui ont « le sens et le devoir des responsabilités ».

« La souveraineté se conquiert, se confisque, mais ne se perd pas. »

Lors de son discours introductif, Kenza Belliard, vice-présidente de RS, appelait de ses vœux l’émergence d’une feuille de route qui transcenderait les questions partisanes. Si l’échéance des élections européennes de juin prochain est revenue à plusieurs reprises dans les échanges du weekend, les divergences semblent persister malgré la volonté exprimée de permettre aux Français – ceux du « Non » de 2005 en particulier – de se ressaisir de leur destin. Avec OLF, Julien Aubert souhaite davantage infléchir la ligne des Républicains, plutôt que de rejoindre une coalition souverainiste, tandis que RS de Georges Kuzmanovic souhaite garder la carte de l’autonomie.

Retrouvez notre reportage vidéo :https://youtu.be/E3Qq4ThZXzU


L’appel à l’unité que formulait Aragon dans ses vers sous la Résistance, aura servi de pont littéraire dans les discours :

Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat

Quel que sera son écho, cet événement aura tenu ses promesses d’activité intellectuelle et de camaraderie.

Cécile Auriol

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